ALCOOL : Quand même après un seul verre le cœur s’emballe
Chez certains, 1 ou 2 verres d'alcool peuvent entraîner un effet immédiat de fibrillation auriculaire (FA) ou de troubles du rythme cardiaque, révèle cette équipe de cardiologues de l'Université de Californie à San Francisco. L'étude est la première à suivre en temps réel, chez ses participants, la consommation d'alcool et l’évolution du rythme cardiaque. Ces données, présentées à la Session scientifique de l’American College of Cardiology (ACC) soulignent également l’influence du mode de vie dans ce risque immédiat de FA mais aussi la nécessité de trouver un juste milieu entre risque d'arythmie et qualité de vie.
Chez certaines personnes, l'alcool semble avoir un effet immédiat ou quasi immédiat sur le rythme cardiaque, augmentant considérablement le risque d’épisode de fibrillation auriculaire (FA) : ces nouvelles données suggèrent que chez ces personnes, même qu'un seul verre de vin, de bière ou autre boisson alcoolisée est associé à un risque multiplié par 2 d’épisode de FA dans les 4 heures qui suivent sa consommation.
La fibrillation auriculaire (FA) est le trouble du rythme cardiaque le plus courant. Elle est souvent caractérisée par un rythme cardiaque rapide, chaotique et flottant, avec toute une gamme de symptômes (essoufflement sévère, fatigue, évanouissement, sensation que le cœur bat de manière incontrôlable). La fibrillation auriculaire est la cause de nombreuses visites aux urgences, hospitalisations voire procédures et donc une source importante de dépenses de soins de santé. Au fil du temps, la FA peut entraîner une insuffisance cardiaque, un AVC et accroître également le risque de démence.
L’étude a suivi 100 patients, âgés en moyenne de 64 ans, atteints de FA intermittente, une forme caractérisée par des épisodes séparés par un rythme cardiaque normal. Les chercheurs ont pris en compte les antécédents médicaux, les médicaments et le mode de vie des participants. Chaque participant était équipé d'un moniteur cardiaque portable qui suivait en permanence son rythme cardiaque et d'un capteur de cheville permettant de détecter objectivement une consommation de 2 ou 3 verres ou plus d’alcool. Les participants étaient de plus invités à appuyer sur un bouton du moniteur cardiaque chaque fois qu'ils consommaient une boisson alcoolisée. Des analyses de sang au doigt mesurant la consommation d'alcool au cours des semaines précédentes ont également été pratiquées pour confirmer les occasions de consommation d'alcool autodéclarées. L’expérience montre que :
- au cours du suivi de 4 semaines, plus de la moitié des participants (n=56) ont connu un épisode de FA ;
- parmi les participants ayant consommé 2 verres ou plus en 1 occasion, l’incidence (ou le risque) de la FA est multipliée par 3 ;
- chaque augmentation de 0,1% de la concentration d'alcool dans le sang au cours des 12 heures précédentes s’avère associée à un risque accru de 40% d’épisode de FA ;
- l’augmentation de la concentration totale d'alcool au fil du temps prédit également le risque de survenue de FA.
Alors que l'alcool est la « substance » la plus consommée dans le monde, il y a encore beaucoup de réponses de notre corps et, en particulier, de notre cœur que nous ignorons, commente l’auteur principal, le Dr Gregory M. Marcus, cardiologue et professeur de médecine à l'Université de Californie San Francisco : « Nous constatons ici que l'alcool peut influencer la survenue de la FA dans les heures qui suivent, et plus la consommation d'alcool est élevée, plus le risque d'avoir un trouble du rythme cardiaque est élevé ».
«Les patients nous disent que l'alcool est un déclencheur de la FA depuis longtemps,
mais jusque-là nous avions été dans l’impossibilité de le confirmer, en raison de la relation temporelle critique qui nécessite une évaluation en temps réel de la consommation d'alcool et du rythme cardiaque. Cette nouvelle méthodologie permet donc de quantifier objectivement la relation en temps réel entre la consommation d'alcool et les épisodes de fibrillation auriculaire".
Le mode de vie influe sur ce risque : l’étude montre également toute l’importance d’autres facteurs dans ce risque de FA, dont l'origine ethnique, le sexe, la génétique ou d'autres expositions environnementales. Ces autres facteurs qui influencent l'effet de l'alcool sur le cœur médient en quelque sorte la relation entre alcool et FA. Enfin, ces résultats vont également à l'encontre de précédentes études suggérant un rôle potentiellement protecteur de l'alcool sur la santé cardiaque, en cas de consommation modérée.
Ce « bénéfice » possible de l'alcool pour le cœur, concerne plutôt les maladies coronariennes et les crises cardiaques, précisent ici les chercheurs. Enfin, chaque patient est différent et cette relation illustre aussi comment la médecine de précision peut jouer un rôle cliniquement pertinent en identifiant les patients présentant un risque élevé de FA liée à l'alcool. Ainsi, les personnes qui ne sont pas à risque élevé pourraient encore bénéficier d'une consommation raisonnable.
« Lorsque les patients nous demandent ce qu'ils peuvent faire pour éviter ces épisodes de FA , nous leur conseillons de réduire voire d’éviter l’alcool. Mais nous devons également tenir compte de la qualité de vie et du plaisir de déguster un verre de vin de temps en temps… ».
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