ANTIBIORÉSISTANCE : L'antibactérien du quotidien qui favorise les superbactéries
Le triclosan aux propriétés antibactériennes est présent dans une large gamme de produits, allant du savon au dentifrice -car il protège contre la maladie des gencives. Mais dans la plupart de ces produits, sa concentration trop faible pour éliminer certaines bactéries dont des souches de E. coli, les entraîne au contraire à développer des mutations qui les rendent de plus en plus résistantes, en particulier aux antibiotiques à large spectre quinolones. Bref, ces produits d’hygiène courants, auraient aussi leur part de responsabilité dans l’émergence des antibiorésistances. Des conclusions présentées dans le Journal of Antimicrobial Chemotherapy qui rappellent ce faisant l’efficacité, dans la plupart des situations, des méthodes de lavage et de désinfection traditionnelles, telles qu’au savon, à l'eau et à l'eau de javel. Des méthodes qui ne contribuent pas à la menace croissante des résistances aux antibiotiques.
Les chercheurs de l’Université de Birmingham et du Quadram Institute (Norwich) rappellent que les quinolones sont des antibiotiques souvent utilisés pour traiter les infections digestives à E. coli et aux salmonelles.
Quant au triclosan, un « ingrédient » présent dans les cosmétiques, les savons ou encore le dentifrice, il est déjà largement documenté comme associé à un certain nombre de risques accrus, d'allergie, d'atteinte à la force musculaire et au système immunitaire et même de cancer du foie. La préoccupation est importante car ce produit chimique antibactérien est omniprésent dans de très nombreux produits du quotidien, mais aussi dans l’environnement, dans les eaux, les organismes aquatiques, des algues aux poissons et même chez les dauphins. Chez l'Homme, on en retrouve des traces dans l'urine humaine, le sang et le lait maternel. Un nouveau-né sur 2 y serait exposé avant sa naissance.
La preuve d’un processus de « résistance croisée » : L’étude a porté précisément sur des souches normales de bactéries E. coli et Salmonella, ainsi que sur des souches porteuses de ces mutations sur gyrA. Les chercheurs ont examiné à quel point les bactéries étaient capables de croître en présence de quinolones et de triclosan et la concentration minimale de chaque médicament ou produit chimique nécessaire pour prévenir cette croissance bactérienne. Cette analyse de laboratoire montre que :
-les bactéries E. coli et Salmonelles porteuses de mutations gyrA sont résistantes à un certain degré à la ciprofloxacine (quinolone) et au triclosan ;
-par rapport aux taux rencontrés dans l’environnement et les produits du quotidien, une concentration de ciprofloxacine multipliée par 8 s’avère nécessaire pour prévenir la croissance bactérienne et x4 pour le triclosan ;
-alors que le triclosan ne cible pas directement gyrA, il induit une augmentation de l'activité des « voies de réponse au stress » (ou des défenses moléculaires) des bactéries E. coli à mutations gyrA et ces bactéries deviennent ainsi résistantes au triclosan.
-l'exposition à de faibles concentrations de triclosan de bactéries E. coli à mutations gyrA les induit à devenir dominantes par rapport aux autres bactéries. Le même effet n’est pas observé avec les salmonelles.
-Seul point rassurant, une exposition au triclosan à faible concentration n’induit pas chez ces bactéries de nouvelles mutations résistantes à la quinolone.
Notre environnement favorise aussi la résistance bactérienne : des résultats qui illustrent que des expositions faibles mais quotidiennes à des composés toxiques de notre environnement favorisent aussi la résistance bactérienne -ici de bactéries ayant déjà développé des mutations dans le gène gyrA. C’est donc une preuve de concept d’une autre cause possible de la croissance des antibiorésistances, même si l’étude n’apporte pas de preuve directe : car l'exposition au triclosan n'a pas conduit à de nouvelles mutations chez ces bactéries E. coli mais a favorisé néanmoins la croissance et la domination de superbactéries déjà dotées de ces mutations.