ANTIBIORÉSISTANCE : Le médicament qui bloque les mutations de résistance
Un médicament pourrait ralentir la course bactérienne à la résistance aux antibiotiques, conclut cette équipe du Baylor College of Medicine, qui propose ainsi une nouvelle option contre ce problème mondial de la résistance aux antibiotiques, responsable de près de 1,3 million de décès chaque année. L'équipe apporte dans la revue Science Advances, les premières preuves in vitro et in vivo d’efficacité du médicament, qui réduit considérablement la capacité des bactéries à développer une résistance aux antibiotiques.
Le candidat médicament en question est le chlorure de déqualinium (DEQ).
« La plupart des personnes atteintes d'infections bactériennes guérissent à l’issue du traitement antibiotique, mais dans de nombreux cas aussi, les bactéries développent une résistance à l'antibiotique, qui n’est plus capable de tuer les bactéries », résume ainsi l’un des auteurs, le Dr Susan M. Rosenberg, professeur de génétique moléculaire et humaine, de biochimie et de biologie moléculaire et de virologie moléculaire et de microbiologie au Baylor.
Bloquer les mécanismes bactériens de mutation induits par le stress
L’étude : l’équipe texane a recherché des médicaments qui pourraient empêcher ou ralentir le développement de la résistance des bactéries E. coli à 2 antibiotiques, lorsqu’elles ont préalablement été exposées à un 3è antibiotique, la ciprofloxacine (cipro). De précédentes études de la même équipe avaient montré que les cultures bactériennes exposées à la cipro accusent un taux de mutation très élevé. Les chercheurs avaient même décrypté un processus mutationnel activé par les réponses bactériennes au stress. Les réponses au stress sont des programmes génétiques qui ordonnent aux cellules d'augmenter la production de molécules protectrices pendant le stress, y compris le stress dû à de faibles concentrations de cipro.
En cause, des mécanismes de mutation induits par le stress : la résistance est en effet causée par le développement de nouvelles mutations génétiques qui se produisent dans les bactéries lors de l'infection.
Certaines des mutations peuvent conférer une résistance à la cipro, tandis que d'autres mutations peuvent permettre une résistance à d’autres antibiotiques non encore rencontrés. Les processus générateurs de mutations activés par les réponses au stress sont appelés « mécanismes de mutation induits par le stress ».
Que se passe-t-il en cas de mutations de résistance aux antibiotiques ? Les bactéries sont alors équipées pour entretenir l’infection, même en présence de l’antibiotique. Les scientifiques décryptent ici chez l’animal modèle d’infection par cipro, que la bactérie active un processus mutationnel génétique induit par le stress. La résistance à la Cipro se produit principalement par les bactéries développant de nouvelles mutations plutôt que par l'acquisition de nouveaux gènes de résistance aux antibiotiques issus d'autres bactéries.
Réduire cette réponse bactérienne au stress induit par l’antibiotique : les chercheurs ont passé au crible 1.120 médicaments approuvés pour un usage humain pour leur capacité à réduire la réponse au stress bactérien. Les scientifiques recherchaient principalement des médicaments « furtifs » qui ne ralentiraient pas la prolifération bactérienne. Ils montrent que :
- le candidat DEQ réduit la vitesse de formation de nouvelles mutations chez les bactéries, à la fois dans les cultures de laboratoire et chez les animaux modèles d'infection ;
- exposée conjointement à la cipro et à DEQ, les bactéries n'ont pas développé de résistance au DEQ ;
- cet effet de ralentissement des mutations est observé à de faibles concentrations de DEQ, ce qui est prometteur pour les patients.
De futurs essais cliniques seront encore nécessaires pour évaluer la capacité du DEQ à ralentir la résistance bactérienne aux antibiotiques chez l’Homme, mais ces premiers résultats d’efficacité in vitro et in vivo s'avèrent très prometteurs.
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