ANTIBIORÉSISTANCE : Maîtres et animaux de compagnie s’échangent aussi leurs bactéries
On commence à mieux comprendre les processus par lesquels les bactéries tirent leur résistance de leur environnement. De cet environnement font partie les animaux de compagnie, chiens et chats qui transmettent aussi des bactéries résistantes aux antibiotiques et des gènes de résistance à leurs propriétaires. C’est la conclusion de cette étude originale, britannique et portugaise, présentée au Congrès de Société européenne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses, ECCMID 2022. La recherche souligne ainsi l'importance du contact entre les animaux de compagnie en bonne santé et les humains, dans la propagation des résistances antimicrobiennes (RAM) et donc des infections communautaires. Une alerte qui ne suggère pas, néanmoins, de se priver de la précieuse compagnie de nos animaux.
« Nos résultats confirment seulement le partage de bactéries résistantes aux antibiotiques mais également de gènes de résistance entre les animaux de compagnie et leurs propriétaires. Ces données soulignent la nécessité de nouveaux programmes de surveillance pour mieux identifier les risques possibles pour la santé humaine », écrivent les auteurs principaux, les Drs Juliana Menezes de l'Université de Lisbonne et Sian Frosini du Royal Veterinary College (UK).
Les animaux de compagnie, réservoirs possibles de bactéries
Si ce risque de transmission peut sembler secondaire, il constitue une préoccupation croissante dans le monde : ainsi, les bactéries Escherichia coli (E. coli) sont fréquemment présentes dans les intestins des animaux en bonne santé. Bien que la majorité de ces bactéries soit inoffensive, certaines peuvent provoquer de graves intoxications alimentaires et des infections mortelles, y dont sanguines, avec plus de centaines de milliers de cas chaque année dans le monde -et 40.000 chaque année, rien qu'en Angleterre.
Les infections causées par des souches hautement résistantes d’entérobactéries productrices de BLSE (bêtalactamases à spectre élargi) et productrices de carbapénémase (CPE), qui sont résistantes à de nombreux antibiotiques, dont la pénicilline et les céphalosporines, sont particulièrement préoccupantes.
Avec cette étude, les chercheurs ont voulu savoir comment ces bactéries résistantes se propagent et s'il existe un croisement entre les animaux de compagnie en bonne santé et leurs propriétaires. L’analyse d’échantillons de selles prélevés à intervalles mensuels pendant 4 mois chez 58 maîtres en bonne santé et les 18 chats et 40 chiens qui vivaient avec eux au Portugal et sur 56 personnes en bonne santé et 45 chiens dans 42 foyers du Royaume-Uni, et leur séquençage génétique ont permis d’identifier à la fois les espèces de bactéries dans chaque échantillon et la présence de gènes de résistance aux médicaments.
Une technique d'empreinte moléculaire rapide et simple à utiliser qui aide à identifier les souches de bactéries apparentées a permis de confirmer le partage possible de bactéries résistantes : ainsi,
- entre 2018 et 2020, 15 % des animaux domestiques et 13 % des propriétaires ont été identifiés comme porteurs de bactéries productrices de BLSE/CPE ;
- parmi ces porteurs de bactéries productrices de BLSE/CPE, près de la moitié des chats et des chiens et un tiers des propriétaires ont été colonisés par au moins une souche multirésistante ;
- dans 4 foyers, les gènes de résistance trouvés chez les animaux de compagnie correspondent à ceux trouvés dans les échantillons de selles de leur propriétaire ; dans 2 de ces 4 foyers, les microbes des animaux de compagnie correspondent aux souches d'E. coli trouvées dans l'échantillon de selles de leur propriétaire.
« Parfois, les bactéries peuvent ne pas être partagées, alors que leurs gènes de résistance le sont. Ces gènes se trouvent dans des fragments mobiles d'ADN, ce qui signifie qu'ils peuvent être transférés entre différentes populations bactériennes chez les animaux et les humains ».
Même avant la pandémie de COVID-19, la résistance aux antibiotiques était l'une des plus grandes menaces en santé publique, car elle peut rendre incurables des affections telles que la pneumonie, la septicémie, les infections des voies urinaires et les plaies.
Des porteurs sains peuvent répandre des bactéries dans leur environnement pendant des mois, et peuvent ainsi être une source d'infection pour les animaux mais aussi d'autres personnes plus vulnérables comme les personnes âgées et les femmes enceintes.
Quelles implications ? Il ne s’agit pas de renoncer aux animaux de compagnie mais d’adopter une bonne hygiène autour de nos animaux et de réduire l'utilisation d'antibiotiques inutile chez les humains, mais aussi chez nos animaux.