CANCER et chromothripsie : Comment les chromosomes brisés font de la résistance
Ces scientifiques de l’Université de Californie -San Diego décryptent le phénomène de chromothripsie, une sorte de cataclysme mutationnel qui implique un réarrangement massif du génome cellulaire qui en fin de compte favorise la croissance des cellules cancéreuses. Ces travaux, présentés dans la revue Nature montrent comment cette réorganisation des génomes et de l'ADN extra-chromosomique aide les cellules mutées non seulement à échapper au traitement, mais à devenir encore plus agressives.
Ce phénomène connu sous le nom de « chromothripsie » caractérisé par une rupture des chromosomes (flèches bleues sur schéma) et une circulation d'ADN extra-chromosomique (ADNc) (flèches orange), contribue à expliquer l’évolution complexe du cancer qui, contrairement à certaines maladies, est une « cible mouvante », en perpétuelle transformation pour résister au traitement. Le réarrangement génomique est une caractéristique clé de nombreux cancers, qui permet ainsi aux cellules mutées de se développer plus rapidement et d’échapper aux thérapies anticancéreuses.
« Ces réarrangements génomiques peuvent se produire en une étape »,
expliquent les auteurs, Ofer Shoshani, chercheur postdoctoral et le Pr Don Cleveland, professeur de médecine, de neurosciences et de médecine cellulaire et moléculaire à l'UC San Diego : « Pendant la chromothripsie, un chromosome d'une cellule est brisé en plusieurs morceaux, des centaines dans certains cas, suivi d'un réassemblage dans un ordre mélangé. Certains morceaux se perdent tandis que d'autres persistent sous forme d'ADN extra-chromosomique (ADNc). Certains de ces éléments d'ADNc favorisent la croissance des cellules cancéreuses et forment des chromosomes de taille minuscule appelés chromosomes minuscules doubles ». Une récente recherche de la même équipe avait montré que jusqu'à la moitié des cellules cancéreuses de nombreux types de cancers contiennent de l'ADNc porteur de gènes favorisant le cancer (oncogènes).
Ici, les chercheurs observent la structure chromosomique pour décrypter le mécanisme sous-jacent de la résistance au méthotrexate, l'un des principaux médicaments de chimiothérapie. En séquençant l'intégralité des génomes des cellules développant une résistance aux médicaments, ils constatent que les chromosomes se brisent en relâchant des ADNc qui confèrent une résistance aux anticancéreux. L’ADNc amplifié peut ensuite se réintégrer dans les emplacements chromosomiques en réponse aux dommages à l'ADN causés par la chimiothérapie ou la radiothérapie, et les cellules cancéreuses peuvent ainsi devenir plus agressives ou résistantes aux médicaments.
La rupture répétitive de l'ADN est ainsi confirmée comme facteur de résistance aux anticancéreux.
Reconstituer les voies de réparation de l'ADN nécessaires pour réassembler les pièces chromosomiques brisées a déjà permis la conception de combinaisons thérapeutiques capables d’empêcher le développement de la résistance aux médicaments chez les patients cancéreux.