CANCER : Exploiter la ferroaddiction des tumeurs
Cette addiction des cellules cancéreuses au fer ou "ferroaddiction" pourrait être exploitée pour mieux cibler les traitements : en repérant le fer qui s'est accumulé dans les tumeurs métastatiques. C'est la nouvelle stratégie décrite par ces scientifiques de l'Université de Californie à San Francisco (UCSF). Leurs travaux, menés in vitro et in vivo, publiés dans le Journal of Experimental Medicine (JEM), décrivent comment cette « ferroaddiction » peut être exploitée pour délivrer spécifiquement de puissants médicaments anticancéreux tout en épargnant les cellules saines.
De nombreuses tumeurs "aiment" le fer : l’équipe californienne montre que les cellules porteuses de la mutation la plus courante trouvée dans le cancer humain (mutations du gène KRAS) accumulent de grandes quantités de fer. Ces mutations sont en effet présentes dans de nombreux cancers et plus particulièrement fréquentes dans l'adénocarcinome canalaire pancréatique, le cancer colorectal, la leucémie myéloïde aiguë et l'adénocarcinome pulmonaire. Au total, on pense que les mutations de KRAS sont présentes dans
un quart des cas de décès par cancer.
La mutation active des voies de signalisation cellulaire qui stimulent la prolifération cellulaire et améliorent la survie des cellules cancéreuses. Ces voies de signalisation peuvent être bloquées par des médicaments inhibiteurs des protéines activées par KRAS, mais, en plus de tuer les cellules cancéreuses, sont terriblement toxiques pour les cellules et les tissus sains. Ainsi, les doses sont strictement limitées à la quantité nécessaire pour inhiber la signalisation dans les cellules cancéreuses.
Éviter les risques liés à un dosage « systémique »
L’exemple est donné des inhibiteurs de MEK1/2 qui présentent des avantages cliniques, mais également des risques de toxicité limitant la dose dans les yeux, la peau, l'intestin et d'autres organes. L’un des auteurs principaux, le Dr Eric A. Collisson, professeur de médecine à l'UCSF précise que l’utilisation clinique utilise un dosage de ces inhibiteurs souvent bien inférieur à la dose approuvée par crainte d’effets secondaires sévères : « ce risque d’effets indésirables limite finalement le dosage donc l'efficacité clinique ».
La nécessité de mieux cibler sur la tumeur : l’équipe du Dr Honglin Jiang, cancérologue, spécialiste des tumeurs pancréatiques et ses collègues développent une méthode pour cibler les inhibiteurs de MEK, et potentiellement d'autres agents anticancéreux, sur les tumeurs induites par les mutations KRAS et qui épargne au maximum les tissus sains environnants. Les chercheurs partent de leur découverte de cette activité accrue des gènes impliqués dans l'absorption et le métabolisme du fer dans une grande variété de tumeurs induites par les mutations KRAS.
Cette augmentation de l'activité de ces gènes « du fer » s’avère corrélée à des temps de survie plus courts.
Concrètement les PET scans des patients confirment que leurs tumeurs accumulent des niveaux élevés de fer : « Nous constatons que les niveaux élevés de fer, en particulier dans son état d'oxydation Fe2 +, sont induits par les mutations KRAS oncogènes. Nous avons donc émis l’hypothèse que ces cellules tumorales mutantes « KRAS induites » pourraient être sélectivement ciblées avec un médicament activable au contact du fer », explique Adam R. Renslo, professeur de chimie pharmaceutique à l'UCSF.
Ces médicaments « ferrous iron–activatable drug conjugate » ou FeADC sont des versions inactives de médicaments qui libèrent leur principe actif en présence de Fe2+. Cette approche s’inspire des médicaments antipaludiques comme l'artémisinine qui ciblent Fe2+ dans le parasite alors qu'il envahit les globules rouges et dégrade l'hémoglobine, en produisant de grandes quantités de fer libre.
Les chercheurs ont donc développé une version « FeADC » du cobimetinib, un inhibiteur de MEK approuvé par la FDA.
- In vitro, le conjugué médicamenteux, nommé TRX-cobimetinib, entraine peu d'effets indésirables sur les cellules de peau humaine ou les cellules rétiniennes, mais s’active bien à l'intérieur des cellules cancéreuses, inhibant la voie de signalisation KRAS-MEK et bloquant la croissance cellulaire ;
- in vivo, testé chez la souris, modèle de différents cancers, TRX-cobimetinib inhibe la croissance tumorale avec autant d’efficacité que le cobimetinib normal. Mais, contrairement au cobimetinib normal, le TRX-cobimetinib ne cause aucun dommage détectable aux tissus sains. Cette absence de toxicité a permis aux chercheurs de combiner TRX-cobimetinib avec d'autres médicaments anticancéreux. Des combinaisons qui s’avèrent encore plus efficaces à inhiber la croissance tumorale et toujours avec peu d'effets secondaires sur les autres tissus.
Cette nouvelle stratégie thérapeutique qui utilise l’appétence pour le fer des cellules cancéreuses induites par les mutations KRAS permet des combinaisons plus tolérables et plus efficaces et avec beaucoup moins de risque d’effets indésirables.
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