CÉCITÉ : L'insertion d'un gène unique parvient à restaurer la vue
Environ 170 millions de personnes dans le monde souffrent de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). La DMLA touche une personne sur 10 de plus de 55 ans. De plus, 1,7 million de personnes souffrent de la forme la plus courante de cécité héréditaire, la rétinite pigmentaire. Injecter un adénovirus associé (AAV) conçu pour cibler des cellules spécifiques de la rétine directement dans le corps vitré de l'œil pour délivrer un gène « réparateur », pourrait permettre de rendre les cellules ganglionnaires de la rétine aveugles à nouveau sensibles à la lumière. C’est la démonstration de ces neuroscientifiques de l’Université de Californie Berkeley, réalisée à ce stade chez la souris et documentée dans la revue Nature Communications.
C'est étonnamment simple, écrivent ces scientifiques dans leur communiqué. Un mois plus tard, en effet, les souris aveugles franchissent les obstacles aussi facilement que des souris n’ayant pas de problèmes de vision. Ces souris sont à nouveau capables de voir le mouvement, de distinguer les changements de luminosité et même de percevoir les détails fins d’un objet. Dans 3 ans à peine, cette thérapie génique délivrée via un virus inactivé pourrait être testée chez l’Homme. Un grand espoir pour tous les patients qui ont perdu la vue à cause de la dégénérescence rétinienne. « Vous injecteriez ce virus dans l'œil d'un patient et quelques mois plus tard, il reverrait à nouveau » imagine Ehud Isacoff, professeur de biologie moléculaire et cellulaire à l'Université de Berkeley. « En cas de maladies neurodégénératives de la rétine, on tente d'arrêter ou de ralentir la dégénérescence. Mais cette thérapie pourrait restaurer la vision en quelques mois ».
Des options actuelles limitées et complexes : Actuellement, les options pour ces patients aveugles se limitent à la pose d’un implant électronique oculaire relié à une caméra vidéo reposant sur une paire de lunettes, une configuration délicate, invasive et coûteuse et qui produit sur la rétine une image équivalente à quelques centaines de pixels (vs des millions de pixels dans le cas d’une vision normale). La correction du défaut génétique responsable de la dégénérescence rétinienne n’est pas simple non plus, car il existe plus de 250 mutations génétiques différentes responsables de la rétinite pigmentaire. Environ 90% de ces gènes détruisent les cellules photoréceptrices de la rétine - les bâtonnets, sensibles à la pénombre, et les cônes, pour la perception des couleurs à la lumière du jour. Cependant, la dégénérescence rétinienne épargne généralement d’autres couches de cellules rétiniennes, y compris les cellules ganglionnaires bipolaires et rétiniennes, qui peuvent rester saines bien qu’insensibles à la lumière pendant des décennies après que le patient ait perdu toute vision.
Des cellules ganglionnaires à nouveau sensibles à la lumière : ces essais sur des souris démontrent la capacité de cette nouvelle thérapie génique à rendre sensibles à la lumière 90% des cellules ganglionnaires. Pour inverser la cécité chez ces souris, les chercheurs ont conçu un virus ciblant les cellules ganglionnaires de la rétine et l'ont chargé du gène correspondant à un récepteur photosensible, l'opsine à cône vert (longueur d'onde moyenne). Normalement, cette opsine n'est exprimée que par les cellules photoréceptrices coniques et les rend sensibles à la lumière vert-jaune. Lorsqu'il est injecté dans l'œil, le virus transporte le gène dans des cellules ganglionnaires, et les rend à nouveau sensibles à la lumière. Ces cellules redeviennent capables d'envoyer des signaux au cerveau.
Une thérapie prometteuse mais à affiner pour les humains : chez les souris, les chercheurs ont pu administrer les opsines à la plupart des cellules ganglionnaires de la rétine. Pour traiter les humains, ils auraient besoin d'injecter beaucoup plus de particules virales car l'œil humain contient des milliers de fois plus de cellules ganglionnaires que l'œil de souris. Cependant, l’équipe de l’UC Berkeley a mis au point les moyens d’améliorer l’administration virale et espère pouvoir prochainement délivrer la thérapie à un pourcentage plus élevé de cellules ganglionnaires.
L’équipe de l’UC Berkeley travaille également à la mise au point de variantes pour restaurer la vision des couleurs, accroître l’acuité et améliorer l’adaptation visuelle.