COGNITION : Analyser la voix pour évaluer l’esprit
La fluidité verbale synonyme d’agilité mentale et même de bonne santé mentale ? S’il existe de nombreux facteurs, tels que les effets des médicaments, certains critères démographiques et culturels qui peuvent, entre autres, entraîner des variations dans le maniement de la parole et rendre hasardeuse l'intégration de la parole dans l'évaluation objective de la maladie et des résultats, cette étude suggère que globalement, l’analyse de la « voix » pourrait nous apprendre beaucoup. L'analyse de la parole peut aider à mesurer le diagnostic, la gravité et l'apparition d'une maladie mentale, écrivent, dans la Harvard Review of Psychiatry, ces neurologues et psychologues de la Dalhousie University (Halifax).
La mesure objective des troubles psychiatriques s’avère depuis toujours difficile. Pourtant, cette revue de la littérature conclut que l'analyse des schémas de langage peut contribuer à diagnostiquer avec précision la dépression et la psychose, mesurer leur gravité et prédire leur apparition.
La méta-analyse d’études portant sur l'utilisation de l'analyse des modèles de parole pour détecter, évaluer et gérer les troubles psychiatriques, identifie 4 domaines d'application clés :
- la classification diagnostique,
- l'évaluation de la gravité,
- la prédiction de l'apparition,
- le pronostic et les résultats du traitement.
L’auteur principal, le Dr Rudolf Uher, du Département Psychiatrie de la Dalhousie University résume ainsi : « les modèles qui combinent plusieurs caractéristiques de la parole peuvent même permettre de distinguer les patients souffrant de troubles psychiatriques de témoins en bonne santé mentale, et cela avec une grande précision ».
Une mesure automatique, clinique et objective de la maladie mentale : encore une fois, il s’agit d'analyse automatisée ou « IA » une technologie ici plus efficace que des mesures subjectives par entretiens ou questionnaires. D’autant que ces caractéristiques de la maladie mentale détectables à travers la parole et le langage, telles que la vitesse, la cohérence et le contenu sont complexes à appréhender de manière conjointe. Le traitement du langage naturel, de la reconnaissance de la parole et de l'informatique permettent aujourd’hui d’obtenir une mesure automatique, clinique et objective de la maladie mentale.
Cet examen de centaines d’études comportant notamment l’analyse des transcriptions du discours des participants, révèle que les patients souffrant de dépression majeure par exemple, ont un discours souvent lent, plein de pauses, de contenu négatif et manquant d'énergie. Le modèle atteint d’ailleurs sa précision diagnostique la plus élevée,
soit une précision supérieure à 80 % chez ce groupe de patients.
L'analyse automatisée se montre également efficace à prédire l'apparition de la maladie mentale, en particulier chez les groupes de population à risque élevé. Plusieurs études portant sur la sémantique de la parole, y compris la cohérence et la complexité, ont permis de prédire l'apparition de la psychose à 2 ans, avec une précision proche de 100 %.
Les modèles automatisés d'analyse de la parole paraissent également avoir un grand potentiel dans la détection du risque de suicide : une étude récente pointe la signifiance de la fréquence erratique, des hésitations et de la nervosité en termes de prévalence de pensées suicidaires. Une telle signature permet d’identifier de telles pensées avec une précision de 73 %.
Il reste à optimiser un algorithme multi-troubles mentaux qui permettrait par l’analyse de la voix, une première détection automatisée de ces troubles de santé mentale.
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