COVID-19 : Cibler les voies utilisées par le virus pour se répliquer
Ces travaux de virologues du Brigham and Women's Hospital (BWH, Boston) décryptent un peu plus le processus d’infection du SARS-CoV-2 et révèlent deux voies métaboliques clés, détournées par le virus pour se répliquer rapidement dans les cellules hôtes. Cette découverte, documentée dans la revue Nature Communications, inspire de nouveaux traitements pour réduire la réplication virale. En particulier, le blocage du métabolisme des folates avec des médicaments prophylactiques oraux, pourrait réduire la réplication virale dans les cellules infectées.
Lorsque le SRAS-CoV-2, le virus qui cause la maladie COVID-19, infecte une cellule humaine, il commence à se répliquer en s’emparant et en détournant la machinerie métabolique existante de la cellule. Les cellules infectées produisent des milliers de génomes et de protéines virales et arrêtent la production de leurs propres ressources.
Le virus détourne les voies de production du glucose et du folate
Les scientifiques du BWH et du Broad Institute ont « suivi » des cellules cultivées peu de temps après les avoir infectées avec le virus et proposent « un aperçu » des voies métaboliques préemptées par le virus. Pour identifier les voies métaboliques à cibler, les chercheurs ont obtenu des échantillons du virus et les ont cultivés au laboratoire BSL-3, hypersécurisé du Broad Institute. Ils se sont ensuite associés au laboratoire du Dr Vamsi Mootha, du MGH, pour identifier à l’aide de techniques de spectrométrie de masse, les ressources consommées et produites par les cellules saines et les cellules infectées. Les cellules infectées ont notamment été surveillées 8 heures après l'infection, lorsque le virus commence à fabriquer son ARN et ses protéines mais n'a pas encore exercé d'effet sérieux sur la croissance et la survie des cellules hôtes.
En analysant les acides aminés et les métabolites produits par les cellules, les chercheurs constatent que les cellules infectées ont épuisé toutes leurs réserves de glucose et de folate. A ce stade, le virus SARS-CoV-2 détourne les éléments constitutifs de la production de glucose vers l'assemblage de bases puriques, nécessaires à la création de grandes quantités d'ARN viral. Une voie « carbone-1 » (1-carbon) utilisée pour métaboliser le folate devient hyperactive, fournissant ainsi au virus plus de groupes de carbone pour fabriquer ses bases pour l'ADN et l'ARN.
L’espoir d'un comprimé par voie orale, prophylactique ? Cette découverte suggère en effet le bénéfice thérapeutique possible de médicaments tels que le méthotrexate, qui inhibent les voies métaboliques du folate et d'un carbone préempté par le virus. C’est ce qu’imagine le Dr Benjamin Gewurz, du Service des maladies infectieuses du BWH, co-auteur de l’étude, une alternative aux anticorps monoclonaux, prometteurs mais administrés par voie intraveineuse. Le blocage des voies métaboliques sur lesquelles le virus s'appuie pour se répliquer pourrait en effet être une nouvelle stratégie pour traiter les patients à un stade précoce.
- Les médicaments qui inhibent le métabolisme des folates, comme le méthotrexate, sont souvent utilisés pour traiter des maladies auto-immunes comme l'arthrite et pourraient être des candidats thérapeutiques pour COVID-19.
- Le méthotrexate est actuellement évalué en tant que traitement de l'inflammation qui accompagne les infections COVID-19 plus avancées, mais ici les auteurs suggèrent qu'il pourrait également être bénéfique dès le début de la maladie.
- Enfin, le méthotrexate semble exercer un effet synergique avec le remdesivir, un médicament antiviral souvent utilisé dans le traitement de COVID-19. Cependant, les propriétés immunosuppressives du méthotrexate pourraient aussi compromettre de manière significative la réponse immunitaire naturelle du patient…
« Nous travaillons à trouver un moyen d'empêcher les virus d'utiliser ces voies métaboliques pour se répliquer. Nous commençons à voir émerger de nouvelles variantes virales, et cela pourrait être la possibilité de traiter les patients avant que le virus n'ait la possibilité de faire des copies de lui-même, copies qui pourraient devenir résistantes aux anticorps ».