Découvrez nos réseaux sociaux
Actualités

COVID-19 : Découverte d'un nouveau talon d'Achille du virus

Actualité publiée il y a 3 années 7 mois 2 semaines
Science
Une caractéristique du virus, un changement de cadre de lecture de l’ARN messager du virus, représente un nouveau talon d'Achille prometteur pour le développement de nouveaux traitements (Adobe Stock 330686823)

C’est une caractéristique unique du génome du coronavirus SRAS-CoV-2 indispensable à la synthèse des protéines dont le virus a besoin pour survivre et se répliquer dans la cellule infectée. Cette caractéristique, un changement de cadre de lecture de l’ARN messager du virus, représente un nouveau talon d'Achille prometteur, conclut cette équipe de virologues et de généticiens de l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH) : bloquer ce décalage de lecture pourrait également bloquer la réplication virale. Des travaux passionnants, qui viennent d’être publiés dans la revue Science.  

 

Les virus ont besoin des ressources de la cellule infectée pour se répliquer, une étude récente a très précisément décrypté la stratégie d’infection utilisée par le SARS-CoV-2. Une étape essentielle du cycle de vie viral est la production de nouvelles protéines virales basées sur les instructions du génome de l'ARN viral. Pour produire les protéines virales dont il a besoin pour se répliquer, le virus doit détourner la propre machine de synthèse des protéines de la cellule, appelée ribosome.

Un décalage de cadre ribosomique qui ouvre une fenêtre de vulnérabilité

En l'absence d'infection virale, le ribosome se déplace le long de l'ARN selon des étapes bien définies, lisant trois lettres d'ARN à la fois. Ce code à trois lettres définit l'acide aminé correspondant qui est attaché à la protéine en croissance. Il n'arrive presque jamais que le ribosome dérape d'une ou de deux lettres d'ARN en avant ou en arrière au lieu de suivre ces étapes régulières de trois lettres. Lorsqu'un tel glissement du ribosome se produit, on l'appelle cela « un décalage de cadre de lecture » et cela conduit à une lecture incorrecte du code génétique.

 

Le décalage du cadre ne se produit presque jamais dans nos cellules. Cela conduirait à des protéines cellulaires dysfonctionnelles. Cependant, les coronavirus dépendent d’un tel décalage pour réguler les niveaux de protéines virales. Par exemple, SARS-CoV-2 - le virus qui cause le COVID-19 - dépend de manière critique d’un décalage de cadre de lecture favorisé par un repli inhabituel et complexe de l'ARN viral.

Empêcher ce décalage ribosomique essentiel pour le virus pourrait permettre de lutter contre l'infection.

Cependant, jusqu'à présent, les scientifiques ne disposaient d’aucune information sur la façon dont l'ARN viral interagit avec le ribosome pour favoriser ce décalage du cadre de lecture.

 

Le décryptage de ce processus essentiel pour la réplication du coronavirus, effectué par l’équipe de l’ETH Zurich révèle ainsi les interactions entre le génome viral et le ribosome lors du décalage du cadre de lecture. À l'aide d'expériences biochimiques sophistiquées, les chercheurs parviennent ici à capturer -visuellement- le ribosome sur le site de décalage de cadre du génome du SRAS-CoV-2. Ils parviennent ensuite à étudier ce complexe moléculaire par cryomicroscopie électronique. La recherche apporte ainsi une description moléculaire du processus avec une précision extrême. Ce décryptage révèle que cet événement de décalage ribosomique amène la machinerie à adopter une conformation spécifique.

 

Une cible possible pour le développement de nouveaux antiviraux : la dépendance du SRAS-CoV-2 à cet événement de décalage de cadre ribosomique pourrait en effet être utilisée pour développer des médicaments antiviraux. Plusieurs composés sont déjà documentés comme capables d'inhiber ce décalage de cadre spécifique aux coronavirus, et cette étude vient également confirmer l’efficacité possible de ces composés sur les niveaux de SRAS-CoV-2 dans les cellules infectées : 2 composés testés permettent ici de réduire la réplication virale par 3 à 4 sans être toxiques pour les cellules traitées.

 

Il reste à accroître l’efficacité de ces composés, pas assez puissants pour être thérapeutiques, mais suffisamment pour démontrer que l'inhibition du décalage de cadre ribosomique est une option thérapeutique prometteuse. De plus, alors que tous les coronavirus dépendent de ce mécanisme de décalage de cadre, un médicament qui ciblerait de manière puissante ce processus pourrait probablement traiter toutes les infections à coronavirus.