COVID-19 : Des anomalies oculaires parfois dangereuses
Ces chercheurs de l'Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild identifient par imagerie par résonance magnétique (IRM) des anomalies significatives dans les yeux de certains patients atteints de formes sévères de COVID-19. Cette petite étude de cohorte, publiée dans la revue Radiology, soutient l’intérêt d'un dépistage oculaire chez ces patients afin pouvoir leur apporter, le cas échéant une gestion adaptée de ces manifestations ophtalmologiques du COVID-19.
La pandémie COVID-19 a touché plus de 100 millions de personnes et, si le virus attaque principalement les poumons, on sait aujourd’hui que la maladie peut affecter différents organes. Le COVID-19 a d’ailleurs déjà été lié à la conjonctivite -ou « œil rose »-, et à la rétinopathie, une maladie de la rétine pouvant entraîner une perte de vision. Des anomalies oculaires visibles sur les examens IRM ont été rapportées, mais on connait encore mal la nature et la fréquence de ces anomalies, en association avec COVID-19. Cette équipe d’experts en ophtalmologie et neurosciences de l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild précise l’incidence, les types et la sévérité de ces manifestations ophtalmologiques identifiées chez des patients atteints de formes sévères de COVID-19.
7% des participants présentent un ou plusieurs nodules hyperintenses au niveau du globe oculaire
Il s’agit d’une cohorte multicentrique, formée à l’initiative de la Société Française de Neuroradiologie (SFNR), composée de 129 patients présentant un COVID-19 sévère suivis du 4 mars au 1er mai 2020. Les participants ont subi une IRM cérébrale.
- 7% ont présenté un ou plusieurs nodules hyperintenses au niveau du globe oculaire (voir visuel ci-contre); 8 de ces 9 patients avaient été pris en charge en unité de soins intensifs (USI) pour COVID-19 ; les 9 patients avaient des nodules dans la région maculaire, la zone à l'arrière de l'œil responsable de la vision centrale. Enfin, 8 avaient des nodules dans les 2 yeux.
« Nous montrons que quelques patients atteints de COVID-19 sévère ont présenté un ou plusieurs nodules du pôle postérieur du globe », résume l'auteur principal, le Dr Augustin Lecler, professeur à l'Université de Paris et neuroradiologue à Hôpital Adolphe de Rothschild.
Quel mécanisme ? Le mécanisme sous-jacent à ces anomalies oculaires reste mal compris, cependant les auteurs suggèrent un rôle de l’inflammation déclenchée par le virus. Un drainage insuffisant des veines des yeux, un problème rencontré par les patients qui passent du temps en USI, en position couchée ou intubés, pourrait également être un facteur. 7 des 9 patients présentant des anomalies oculaires dans l'étude avaient été placés en position couchée en USI, pendant une période prolongée.
Le dépistage devrait être envisagé chez tous les patients atteints de COVID-19 sévère pour détecter ces nodules. En pratique clinique, ce dépistage pourrait inclure une exploration des yeux avec l’IRM haute résolution. Ces graves problèmes oculaires pourraient passer inaperçus, relèvent les chercheurs, en particulier parce que patients COVID-19 en USI sont souvent traités pour des conditions beaucoup plus graves et pouvant être mortelles.
Les auteurs suggèrent même que « ces patients devraient recevoir des traitements spécifiques de prévention et protection oculaire ».
Des conséquences en pratique clinique : les chercheurs effectuent des examens cliniques et une IRM de suivi chez les survivants pour surveiller ces nodules et leurs conséquences cliniques telles qu'une perte de vision ou une altération du champ visuel. Des examens par IRM sont également effectués chez de nouveaux patients atteints de COVID-19 sévère ainsi que des tests ophtalmologiques plus complets. Enfin, une étude est également lancée sur les anomalies oculaires possibles chez les patients atteints de formes modérées de COVID-19.
Les chercheurs notent enfin que leurs résultats soutiennent ceux de recherches précédentes qui montraient que le COVID-19 entraîne des effets plus importants chez les patients ayant des problèmes de santé existants : sur ces 9 patients atteints de nodules oculaires, 2 étaient diabétiques, 6 étaient obèses et 2 souffraient d'hypertension.