COVID-19 : Du bon usage du masque
Depuis l’émergence du nouveau coronavirus SRAS-CoV-2 responsable de l’épidémie de pneumonie COVID-19, l'utilisation de masques faciaux est devenue omniprésente en Chine et dans d'autres pays asiatiques comme la Corée du Sud et le Japon. Dans de nombreux autres pays, les recommandations réservent l’usage du masque facial aux professionnels de santé, à quelques autres professions en contact étroit avec les malades et aux personnes diagnostiquées avec COVID-19. Prise en compte des disponibilités d’EPI ou recommandations sanitaires scientifiquement justifiées ? Cette étude de chercheurs de l’Oxford Vaccine Group fait le point, dans le Lancet Respiratory Medicine sur l’usage dans les différents pays et sur l’état de la science sur le sujet. Cet article de réflexion aboutit plutôt à des recommandations de généralisation...
Alors que l’épidémie COVID-19 poursuit sa propagation avec à ce jour, 21 mars 2020, 275.000 cas confirmés (dont toujours 81.000 en Chine où l’épidémie semble maintenant contrôlée), dans 166 pays touchés et 11.400 décès, chacun se pose la question de l’efficacité du port du masque lors des rares sorties de confinement. Une question parfois théorique alors que dans de nombreux pays, ces équipements de protection individuelle (EPI) de base font sévèrement défaut, y compris pour les professionnels de santé, en première ligne dans la lutte contre l’épidémie.
Des usages disparates
Certaines provinces et municipalités de Chine ont appliqué des politiques de masques faciaux obligatoires dans les zones publiques, cependant, la directive nationale chinoise a adopté une approche fondée sur le risque en proposant des recommandations plus spécifiques pour l'utilisation des masques faciaux. Ici, les chercheurs britanniques comparent les recommandations d'utilisation des masques faciaux par les différentes Autorités sanitaires des différents pays : en dépit d’une convergence des différentes autorités sur la nécessité du port du masque par les personnes symptomatiques et les professionnels de santé, il existe des différences de recommandations et d’usage importantes, dans les différents pays.
L’OMS indique ainsi :
« Si vous êtes en bonne santé, vous ne devez porter un masque que si vous prenez soin d'une personne suspectée d'infection par le SRAS-CoV-2 ».
Aux États-Unis, le General Surgeon déconseille l’achat de masques destinés à des personnes en bonne santé. La raison est similaire à celle invoquée par de nombreux pays européens, dont la France : l’objectif est de réserver le nombre limité de masques à l’usage professionnel dans les établissements de santé. L'argument utilisé est également le même : les masques faciaux n'offrent aucune protection efficace contre les infections à coronavirus. C’est également la position des CDC.
En Chine, les recommandations sont différentes :
- les personnes à risque modéré d’infection, c’est-à-dire qui travaillent dans des zones à forte densité de population (dont les hôpitaux, les gares), celles qui ont été ou vivent avec une personne mise en quarantaine, le personnel administratif, la police, la sécurité et les coursiers devraient porter un masque chirurgical ou jetable à usage médical.
- Les personnes à faible risque c’est-à-dire qui vivent ou travaillent dans des zones à forte densité de population (supermarché, centre commercial), qui travaillent à l'intérieur, qui doivent accéder à des soins de santé dans des centres de santé ou qui sont en contact avec des groupes d'enfants devraient porter des masques jetables à usage médical.
- les personnes à très faible risque d'infection, c’est-à-dire qui restent la plupart du temps à la maison, qui exercent une activité de plein air et qui travaillent ou étudient dans des zones bien ventilées n’ont pas à porter de masque mais elles peuvent néanmoins porter un masque non médical (tel qu'un masque en tissu).
A Hong Kong, les masques chirurgicaux sont essentiels pour les personnes symptomatiques (même si elles présentent des symptômes légers). Il est également recommandé de porter un masque chirurgical lorsque l’on prend les transports en commun ou que l’on vit ou travaille dans des zones denses. Les autorités insistent également sur l’importance de l’hygiène des mains avant le port et après le retrait du masque. Le masque est donc conseillé au public, dans de nombreuses situations et bien au-delà des professionnels de santé ou en contact fréquents avec les malades.
A Singapour, le masque est également conseillé en cas de symptômes, même bénins, comme une toux ou un nez qui coule.
Au Japon, les Autorités communiquent sur une efficacité du masque facial limitée contre la contamination par des virus. Néanmoins, elles suggèrent de porter un masque facial dans des espaces confinés et mal ventilés, afin d’éviter d’être exposé aux gouttelettes émises par d'autres personnes. En revanche, le port du masque est déconseillé en plein air.
Au Royaume-Uni, les masques faciaux jouent un rôle très important dans des zones à risque élevé dont les hôpitaux bien sûr, mais les Autorités communiquent sur le manque de preuves d'un avantage généralisé pour le public.
En Allemagne, le message est identique : il n’existe pas suffisamment de preuves pour justifier le port d'un masque chirurgical pour réduire le risque d’infection chez des personnes en bonne santé. Les Autorités reprennent le message de l'OMS, selon lequel le port du masque dans des situations où il n'est pas recommandé de le faire peut créer un faux sentiment de sécurité et conduire à négliger les mesures d'hygiène fondamentales.
Une différence entre absence de preuves et preuve d’absence d’effet
Ce n’est en effet pas sans raison si les masques faciaux sont largement utilisés par les personnels de santé dans le cadre des précautions contre les gouttelettes lorsqu'ils soignent des patients atteints d'infections respiratoires.
Quelques réflexions des auteurs :
- les personnes vulnérables devraient éviter les zones surpeuplées et utiliser rationnellement des masques chirurgicaux lorsqu'elles sont exposées à des zones à risque élevé ;
- des preuves suggérant que COVID-19 pourrait être transmis avant l'apparition des symptômes, la transmission communautaire pourrait être réduite si tout le monde, y compris les personnes infectées mais asymptomatiques et contagieuses, portait des masques faciaux ;
- si les recommandations sur les masques faciaux varient considérablement d'un pays à l'autre, l’augmentation de l'utilisation des masques par le grand public aggrave la pénurie mondiale de masques, en particulier pour les professionnels de santé qui en ont éminemment besoin, entraînant une flambée des prix ; au point que certains pays ont interdit l'exportation de masques faciaux pour prioriser la demande locale ;
- actuellement, les Autorités sanitaires devraient optimiser la distribution des masques faciaux afin de hiérarchiser les besoins des personnels de santé, des groupes de population les plus vulnérables, dont les personnes âgées et atteintes de comorbidités ;
- lorsque les Autorités ont opté pour des alternatives de fortune ou l'utilisation répétée de masques chirurgicaux jetables, les recommandations de bon usage des masques faciaux deviennent primordiales : un mauvais usage peut même augmenter le risque d'infection ;
- sur les paradigmes sociétaux et culturels de l'utilisation des masques : il existe en effet un contraste entre l'utilisation de masques faciaux comme pratique hygiénique ou réservée à la maladie : l’avantage de l'utilisation universelle des masques faciaux est d’empêcher la discrimination des personnes qui portent des masques parce que tout le monde en porte.
Vers des recommandations rationnelles et universelles ? Alors que l'OMS recommande actuellement le port de masque en cas de symptômes respiratoires ou de soins à des personnes/patients symptomatiques,
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« il serait peut-être également rationnel de recommander aux personnes en quarantaine de porter des masques faciaux si elles ont besoin de quitter leur domicile pour une raison quelconque, afin d'éviter une transmission asymptomatique ou pré-symptomatique ».
- En outre, les populations vulnérables, telles que les personnes âgées et/ou atteintes de comorbidités devraient porter des masques faciaux, si disponibles.
- L'utilisation universelle de masques faciaux pourrait être envisagée si la disponibilité de ces équipements le permet.
Enfin, il est urgent de mener des recherches sur la durée de protection des masques faciaux. « Taiwan a eu la prévoyance de prévoir un grand stock de masques faciaux ; d'autres pays ou régions pourraient désormais considérer cela dans le cadre de futurs plans de lutte contre les pandémies ».