COVID-19 : Mise en quarantaine du Diamond Princess, une mesure discutable
Cette équipe d’experts en Santé publique de l’Umeå University (Suède) revient sur la mise en quarantaine de plus de 2 semaines des 3.700 passagers du navire de croisière le Diamond Princess. Ses conclusions, documentées dans le Journal of Travel Medicine : un taux d'infection à bord du navire environ 4 fois plus élevé que le taux observé dans les zones les plus infectées de Chine mais aussi l’efficacité des mesures de confinement à bord.
Alors que le nouveau coronavirus poursuit sa propagation, avec au total 85.000 cas confirmés au 29 février, un « tassement » des nouveaux cas en Chine mais une expansion plus rapide dans les autres pays (soit plus de 6.000 cas à la même date), que près de 3.000 décès sont recensés, les scientifiques de tous pays analysent les retours d’expérience afin de préciser les bonnes réponses face aux différentes situations. A cet égard, le confinement de passagers sur un navire de croisière peut illustrer d’autres situations de confinement et l’analyse de la mise en quarantaine de 3.700 passagers réunis sur le navire de croisière Diamond Princess, en raison de premiers cas d’infection confirmés, mérite d’être analysée.
Une évacuation précoce des passagers aurait probablement évité plus de 500 cas d’infection
Ainsi, le 3 février 2020, une épidémie de COVID-19 sur le navire de croisière Diamond Princess était signalée avec 10 premiers cas, à la suite d'un cas premier cas à bord identifié entre le 21-25 janvier. Le 4 février, des mesures de santé publique ont donc été mise en œuvre dont l'isolement des passagers malades. Au 20 février, 619 des 3.700 passagers et membres d'équipage (17%) étaient testés positifs au nouveau coronavirus.
Les chercheurs estiment le nombre de reproduction de base (R0) à partir de la période initiale de l'épidémie et imaginent les scénarii probables en l'absence de mesures ou en cas d’évacuation du navire avec les mesures habituelles de suivi des patients suspectés et infectés. Leur analyse aboutit à :
- un taux de reproduction de base 4 fois plus élevé à bord par rapport au R0 estimé dans l'épicentre de Wuhan,
- ce R0 initial modélisé de 14,8 sans aucune intervention dans la période du 21 janvier au 19 février, aurait conduit à l’infection de 2.920 des 3.700 (79%) passagers du navire ;
- Cependant, l'isolement des passagers diagnostiqués comme infectés et la quarantaine des passagers non malades ont ainsi permis d'éviter 2.307 cas et ont donc permis d’abaisser le R0 à 1,78 ;
- Enfin, une évacuation précoce de tous les passagers le 3 février aurait conduit à 76 cas d’infection, au lieu des 619 recensés.
La promiscuité et le confinement ont clairement amplifié la propagation d’un virus « déjà très transmissible ». Les mesures de santé publique ont permis d'éviter plus de 2.000 cas supplémentaires contre aucune intervention. Cependant, l'évacuation de tous les passagers et membres d'équipage au début de l'épidémie aurait empêché de nombreux autres passagers et membres d'équipage d'être infectés.
« Si le navire avait été évacué immédiatement à son arrivée à Yokohama, et que les passagers testés positifs pour le coronavirus et les autres cas suspects avaient été pris en charge, le scénario aurait été tout à fait différent. Nos calculs montrent que seulement environ 70 passagers auraient été infectés. Un nombre largement inférieur aux plus de 600 passagers résultant de la quarantaine à bord. La mesure de précaution consistant à mettre l'ensemble du navire en quarantaine était compréhensible, mais en raison du risque élevé de transmission sur le navire, la décision est désormais discutable ».
Dans le même temps, l'étude montre également que si les mesures de précaution d'isolement des porteurs possibles n'avaient pas été prises à bord, 2.300 autres personnes auraient été infectées.
Ce retour d'expérience confirme ainsi que l’évitement des rassemblements de masse reste une mesure de base de prévention de la propagation virale.