COVID-19 : Quelles sont les situations de super-propagation ?
Quels sont les événements et circonstances de propagation extrême du coronavirus ? C’est la question que chacun se pose à l’heure d’un confinement parfois jugé sélectif. Cette étude d’épidémiologistes du Massachusetts Institute of Technology (MIT), révèle que certains événements jouent un rôle démesuré dans la transmission globale de la maladie. Cette modélisation mathématique, présentée dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine qui précise le modèle statistique de transmission du virus, confirme ainsi que la suppression des rassemblements de 10 personnes ou plus pourrait réduire considérablement les taux d'infection par COVID-19.
Il y a eu de nombreux cas documentés d'événements de super-propagation du COVID-19, au cours desquels en « pratique », une personne infectée par le virus SARS-CoV-2 infecte de nombreuses autres personnes. Mais quel rôle jouent ces événements dans la propagation globale de la maladie ? Cette analyse du MIT suggère que des rassemblements, mêmes modestes, peuvent avoir un impact beaucoup plus lourd que prévu.
Limiter les rassemblements à 10 personnes ou moins
Il s’agit de l’analyse des conséquences en matière de propagation du virus de 60 événements de « super-propagation », au cours desquels chaque personne infectée a transmis le virus à plus de 6 autres personnes. Dans le cas du COVID, ces situations, soulignent les chercheurs, apparaissent beaucoup plus fréquentes que ce à quoi on pourrait s'attendre en regard de la gamme des taux de transmission couramment constatées et utilisées en épidémiologie.
Des événements de super-propagation : les chercheurs ont développé un modèle mathématique de transmission du COVID-19, qui montre que limiter les rassemblements à 10 personnes ou moins pourrait réduire considérablement ces situations de super-propagation et donc le nombre total d'infections. Pour ces chercheurs, c’est une bonne nouvelle : « Même s’il s’agit d’événements marginaux, ils se produisent probablement à une fréquence plus élevée que ce que nous pensions. nous avons donc beaucoup plus de chances de pouvoir maîtriser cette pandémie », explique James Collins, professeur de génie médical au MIT.
Des sujets super-propagateurs : pour le virus SRAS-CoV-2, le « nombre de reproduction de base » R0 est en moyenne (au moment de l’étude) d'environ 3, ce qui signifie qu'en moyenne, chaque personne infectée par le virus le transmet à 3 autres personnes. Cependant, ce nombre varie considérablement d'une personne à l'autre. Certaines personnes ne transmettent la maladie à personne d'autre, tandis que les « super-propagateurs » peuvent infecter des dizaines de personnes.
Décrypter ces événements de super-propagation pour développer des stratégies plus efficaces contre l’épidémie : les chercheurs ont défini les super-propagateurs comme des individus qui ont transmis le virus à plus de 6 autres personnes. En utilisant cette définition, ils ont identifié 45 événements de super-propagation du SARS-CoV-2 et 15 événements du même type durant l'épidémie de SRAS-CoV de 2003, tous documentés dans des articles de revues scientifiques. Au cours de la plupart de ces événements, entre 10 et 55 personnes ont été infectées, mais 2 d'entre elles (au cours de l'épidémie de 2003), avaient contaminé plus de 100 personnes.
Une courbe statistique « à longue queue » : compte tenu des distributions statistiques couramment utilisées dans lesquelles le patient typique infecte 3 autres personnes, les événements au cours desquels la maladie se propage à des dizaines de personnes sont considérés comme très improbables. Par exemple, une distribution normale ressemblerait à une cloche avec un pic autour de trois, avec une queue qui se rétrécit rapidement dans les deux sens. Dans ce scénario, la probabilité d'un événement extrême diminue de façon exponentielle à mesure que le nombre d'infections s'éloigne de la moyenne de 3.
Cependant, l'équipe du MIT a constaté que ce n'était pas le cas pour les événements de super-propagation de coronavirus. A l’aide de la « théorie statistique des valeurs extrêmes », utilisée pour modéliser des situations dans lesquelles le comportement de la probabilité dans la zone éloignée de sa valeur forme une grande queue au lieu d'une queue effilée. Cette théorie est souvent appliquée dans des domaines tels que la finance et l'assurance pour modéliser le risque d'événements extrêmes, et elle est également utilisée pour modéliser la fréquence d'événements météorologiques catastrophiques tels que les tornades. En utilisant ces outils mathématiques, les chercheurs montrent que la distribution des transmissions de coronavirus est un phénomène statistique « à grande queue », ce qui implique que même si les événements de super-propagation sont extrêmes, ils restent toujours et longtemps susceptibles de se produire. En d’autres termes, « cela signifie que la probabilité d'événements extrêmes décroît plus lentement qu'on ne l'aurait imaginé et que les événements de très grande envergure, avec entre 10 et 100 personnes infectées, sont beaucoup plus courants que nous ne l'avions prévu ».
Le rôle de « la connectivité » : si les scientifiques n’abordent pas, avec cette analyse, des facteurs de transmission clés comme la charge virale d’un individu par exemple, ils montrent que la connectivité, définie comme le nombre de personnes avec lesquelles le sujet infecté entre en contact joue un rôle déterminant dans ce scenario : et dans ce modèle où la courbe de contamination ne baisse pas de manière exponentielle, beaucoup plus de personnes sont évidemment infectées par ces super-propagateurs.
Cependant, là encore, la transmission d’essouffle lorsque la « connectivité » est réduite à moins de 10 contacts.
C’est donc une bonne nouvelle, car si l’on en croit ce modèle, l’interdiction des rassemblements de 10 personnes ou plus pourrait avoir un impact significatif sur la transmission globale de l’épidémie. Les chercheurs vont maintenant intégrer également les facteurs biologiques dans leur modèle…