DÉPRESSION, APATHIE ? Le rôle ambigu de la sérotonine sur la motivation
Une courte stimulation des neurones produisant de la sérotonine réduit la motivation mais seulement lorsque nous faisons quelque chose sans objectif particulier. Une stimulation à long terme des neurones produisant de la sérotonine rétablit la motivation. C’est le principe des antidépresseurs inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine. Cette étude menée chez la souris et présentée dans eLife montre ainsi que l'augmentation de la sérotonine, l'un des principaux médiateurs de la communication cérébrale, affecte la motivation mais seulement dans certaines circonstances. Elle montre des effets à court et à long terme opposés de l'augmentation des niveaux de sérotonine : des propriétés précieuses pour la prise en charge de l’apathie ou de la dépression….
La sérotonine est l'un des « messagers » chimiques, ou neurotransmetteurs dans le cerveau, utilisé par les neurones pour communiquer. La sérotonine joue un rôle important dans la régulation du sommeil, du mouvement et d'autres comportements essentiels à la survie. Mais son implication dans la motivation n'a jamais été clairement documentée. Les neurones qui la produisent sont situés dans une zone du tronc cérébral appelée noyaux du raphé. Parce que ces neurones projettent leurs axones vers de multiples zones du cerveau, la sérotonine agit très largement à travers le cerveau. Une fois libérée par les neurones dans les noyaux du raphé, ce sont ces mêmes neurones qui réabsorbent la sérotonine en excès. On rappellera qu'aux niveaux de sérotonine dans le cerveau sont associés la dépression, d'où ces antidépresseurs « inhibiteurs sélectifs du recaptage (ou recapture) de la sérotonine » (ou ISRS, Prozac), qui augmentent les taux de sérotonine dans le cerveau et empêchent l'absorption de la sérotonine en excès.
Ces neuroscientifiques du Champalimaud Centre for the Unknown (Lisbone, Portugal) montrent chez l'animal, les différentes implications possibles de la sérotonine dans la motivation.
Pics de sérotonine, l'effet démotivation à court terme : il est complexe d'étudier le mécanisme biologique sous-jacent à l'action de la sérotonine, cela nécessite des moyens rapides et spécifiques pour stimuler la libération de ce neurotransmetteur dans le cerveau tout en pouvant observer le comportement. Ici, grâce à l'optogénétique, qui utilise la lumière pour activer ou calmer les neurones les chercheurs ont pu observer l'impact de la sérotonine sur le comportement des animaux : l'équipe a stimulé la libération de sérotonine des neurones dans les noyaux de raphé, induit des « pics » de sérotonine en stimulant ces neurones avec des impulsions de lumière. Les souris, placées dans une boîte, étaient libres d'explorer leur environnement. Dans ces conditions, leur comportement est normalement de se promener, de faire leur toiletter, de creuser des trous ou de rester relativement immobile, mais toujours en alerte. En cas de pic de sérotonine,
-les souris réduisent leur vitesse de déplacement d'environ 50%.
-La stimulation des neurones produisant de la sérotonine n'affecte pas les autres comportements.
-L'effet sur la vitesse motrice est presque instantané (réduction de vitesse constatée 1 seconde après la stimulation) et transitoire avec un comportement moteur revenant à la normale 5 secondes après la stimulation.
-Mais pendant cette courte période de temps, les animaux se comportent comme s'ils n'étaient pas motivés.
Cependant cet effet démotivation intervient uniquement en cas de tâche non impliquante : la vitesse motrice n'est en effet affectée que lorsque les animaux ne sont pas en train d'effectuer une tâche particulièrement engageante au moment de la stimulation. Ainsi, la stimulation n'a aucun effet si l'animal est déjà engagé dans une tâche spécifique telle que courir pour obtenir une récompense.
Niveaux élevés de sérotonine à long terme, l'effet motivation : les chercheurs ont également regardé l'effet d'une stimulation régulière et à long terme, en stimulant les souris tous les jours durant 24 jours. Si chaque stimulation réduit encore de façon transitoire la vitesse motrice (ou la motivation), la vitesse motrice globale augmente progressivement. 3 semaines de stimulation entraînent une hausse de 30% à 40% de la vitesse motrice. Ainsi, la stimulation à long terme déclenche plus d'activité donc plus de motivation.
L'explication des effets et du délai d'action des ISRS sur la dépression : l'excès de sérotonine atténue les symptômes de la dépression : en effet ce second effet associé à l'augmentation à long terme des taux de sérotonine dans le cerveau explique non seulement les effets des ISRS mais aussi pourquoi les ISRS prennent environ 3 semaines pour avoir un effet sur les symptômes dépressifs.
2017;6:e20975 February 14, 2017 DOI: 10.7554/eLife.20975 Transient inhibition and long-term facilitation of locomotion by phasic optogenetic activation of serotonin neurons (Visuel@Gil Costa)
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