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DOULEUR CHRONIQUE : Comment la faim peut la couper

Actualité publiée il y a 6 années 9 mois 4 jours
Cell
L'équipe identifie un petit groupe de 300 cellules du cerveau capables de donner la priorité à la faim sur la douleur chronique.

La douleur peut être utile, rappellent les chercheurs dans leur communiqué. Car c’est un signal d’alerte.  Cependant, une douleur prolongée, comme la douleur inflammatoire qui peut survenir après une blessure, peut être handicapante et impacter la qualité de vie jusqu’au fonctionnement quotidien. En milieu naturel, la léthargie déclenchée par une telle douleur pourrait même entraver la survie. Ces neuroscientifiques de l'Université de Pennsylvanie révèlent que le cerveau a un moyen de supprimer la douleur chronique chez l’animal, quand il a faim, ce qui lui permet d'aller chercher sa nourriture en dépit de la réponse à la douleur aiguë. Leurs travaux, présentés dans la revue Cell, identifient ainsi un petit groupe de 300 cellules du cerveau capables de donner la priorité à la faim sur la douleur chronique. Inutile de préciser qu’il ne s’agit pas d’atténuer la douleur par le jeûne mais de cibler ce groupe de neurones pour de nouvelles thérapies analgésiques.

 

« En neurosciences, nous sommes très doués pour n’étudier qu’un comportement à la fois », ironise J. Nicholas Betley, professeur de biologie à la Penn. Cependant, dans la vraie vie, cela ne se passe pas comme e laboratoire, nous ne sommes pas dans une situation isolée et isolable. Nous avons donc regardé comment un animal intègre et fait face à des besoins multiples afin d’optimiser son comportement …et sa survie.

 

La sensation de faim influence la sensation de la douleur : les chercheurs n’avaient pas imaginé parvenir à cette conclusion. L’équipe s'est d’abord concentrée sur l'étude de la faim et, en particulier, a regardé comment la faim peut altérer la perception. Curieux de savoir comment la faim peut interagir avec la sensation de douleur, les chercheurs ont observé comment des souris privées de nourriture depuis 24 heures réagissaient soit à la douleur aiguë, soit à la douleur inflammatoire. L'équipe constate que les souris affamées répondent toujours à des stimuli de douleur aiguë mais semblaient moins sensibles à la douleur chronique que leurs homologues bien nourries. Leur comportement s’avère en réalité similaire à celui de souris qui ont reçu un analgésique anti-inflammatoire. Ensuite, lors d’une expérience de conditionnement, les chercheurs remarquent que ces souris affamées n'évitent pas un endroit où elles ont été exposées à une douleur inflammatoire, alors que les souris qui n'ont pas faim évitent cet endroit.

L’analyse est presque évidente : lorsque l’animal est blessé et souffre, il doit néanmoins rester capable de surmonter sa douleur pour aller chercher les nutriments dont il a besoin pour survivre.

 

 

Comment le cerveau traite cette intersection ou priorité entre la faim et la douleur ? Les chercheurs ont étudié précisément un groupe de neurones déjà connus pour être activés par la faim, les neurones à protéines agouti (AgRP) et constatent qu’activés les réponses à la douleur chroniques disparaissaient, alors que les réponses à la douleur aiguë restent intactes. L'équipe a ensuite examiné quelle sous-population de neurones AgRP semblait intégrer les signaux de la faim en présence de douleur inflammatoire. En activant l’un après l’autre différents sous-groupes de neurones AgRP, les chercheurs montrent que la stimulation de seulement quelques centaines de neurones AgRP qui atteignent le noyau parabrachial suppriment significativement la douleur inflammatoire.

 

 

Sur des milliards de neurones, 300 neurones seulement « médient » cette priorité donnée à la faim. D'autres expériences identifient également un neurotransmetteur, NPY, responsable du blocage sélectif des réponses douloureuses inflammatoires. Et les inhibiteurs de NPY font « revenir » la douleur.

Ce circuit neuronal très spécialisé, s’il existe également chez les humains, constitue une cible remarquable pour lutter contre la douleur chronique, un type de douleur qui, soit-dit en passant, est souvent traité par des opioïdes… « Ce serait formidable de pouvoir cibler uniquement la douleur inflammatoire », concluent les chercheurs, qui vont cartographier plus en profondeur comment le cerveau traite la douleur inflammatoire afin d’identifier plus de cibles encore pour la supprimer ».


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