ÉDITION du PROTÉOME : Reprogrammer les protéases pour cliver des protéines ciblées
Cette équipe de chimistes et biologistes de l’Université de Harvard démontre qu’il est possible de concevoir, à partir des protéines de toxine botulique, des protéases qui vont cibler avec une très haute sélectivité des protéines responsables de maladies. En synthèse, c’est une avancée critique vers le développement de nouveaux traitements d’un très large spectre de pathologies, de la neurodégénérescence, des lésions nerveuses et cérébrales, des lésions musculaire, à l’inflammation et jusqu’à la tempête de cytokines. Cette avancée scientifique considérable est documentée dans la revue Science.
La toxine botulique est souvent associée au Botox® qui fait disparaître les rides ou encore à un poison mortel. Ces chercheurs la définissent plutôt comme un « poison miracle», car la toxine botulique est aussi la base de nombreux médicaments approuvés pour le traitement de nombreuses maladies dont la migraine, les clignements des yeux, certains spasmes musculaires ou encore certaines formes d’incontinence. L’équipe de l'Université Harvard et du Broad Institute montre ici pour la première fois, qu’il est possible de faire évoluer la toxine en laboratoire pour cibler toute une variété de protéines différentes, en créant des protéases « super-sélectives » à fort potentiel thérapeutique : il serait en effet possible avec ces protéases de relancer la neurorégénération, de réguler les hormones de croissance, de calmer l'inflammation ou encore de contrôler une réponse immunitaire déchaînée comme la « tempête de cytokines ».
De nouvelles molécules hyper-ciblées pour traiter un très grand nombre de conditions
« Ces nouvelles molécules protéases pourraient, sur le papier, être efficaces contre un très grand nombre de conditions », explique l’auteur principal, Travis Blum, chercheur en chimie et en biologie. Ces molécules sont obtenues en 2 phases :
- Reprogrammer les protéases : les protéases sont programmées pour aller couper des protéines spécifiques ou les désactiver ;
- concevoir des traitements qui peuvent pénétrer dans une cellule. Contrairement à la plupart des grandes protéines, les protéases de la toxine botulique peuvent pénétrer dans les neurones en grand nombre, ce qui est un atout thérapeutique considérable.
L’équipe parvient ainsi à transformer et à personnaliser des protéases de manière à leur conférer des instructions sur mesure sur la cible « à couper ».
On aboutit à un système d’édition du protéome,
qui vient compléter les technologies d’édition du génome. Les technologies actuelles d'édition de gènes ciblent souvent des maladies chroniques comme la drépanocytose, causées par une erreur génétique sous-jacente. Corrigez l'erreur et les symptômes s'estompent. Mais certaines maladies aiguës, comme les lésions neurologiques consécutives à un accident vasculaire cérébral, ne sont pas causées par une erreur génétique. C'est là que pourront intervenir ces thérapies à base de protéases : les protéines peuvent aider à renforcer la capacité du corps à guérir quelque chose comme des lésions nerveuses grâce à un traitement temporaire ou même ponctuel.
Utiliser les protéases en médecine, pour traiter des maladies, est un objectif visé depuis des décennies. Contrairement aux anticorps, qui ne peuvent attaquer que des substances exotiques spécifiques dans le corps, les protéases peuvent cibler puis se fixer à un grand nombre de protéines et, une fois liées, peuvent faire plus que détruire leur cible.
Les protéases pourraient, par exemple, réactiver des protéines dormantes
Jusqu’ici cependant, l’obstacle était l'absence de technologie capable de générer des protéases pouvant cliver des protéines cibles. Ici, une nouvelle plateforme, nommée PACE (pour phage-assisted continuous evolution), permet d’enseigner aux protéases à cibler un spectre plus ou moins large ou précis de protéines. Avec PACE, les scientifiques parviennent ici à faire évoluer 4 protéases de 3 familles de toxine botulique en leur assignant des cibles avec un haut niveau de spécificité.
Il reste le « défi » du système immunitaire mais comme il met un peu de temps à identifier les substances étrangères, les protéases pourraient déjà être efficaces pour des traitements temporaires. Et, pour contourner la réponse immunitaire, l'équipe cherche également à faire évoluer d'autres classes de protéases de mammifères, car le corps humain est moins susceptible d'attaquer des protéines qui ressemblent aux protéines humaines.
ABONNEMENT PREMIUM
Accédez sans limite à plus de 15 000 actualités