ENVIRONNEMENT : Calculer son exposition aux substances toxiques
Cette équipe de bioingénieurs de la Mount Sinai School of Medicine (New York) vient de mettre au point un nouvel outil permettant d’estimer l'exposition totale d’une personne à des produits chimiques nocifs. Cette nouvelle métrique qui permet d’évaluer notre « fardeau environnemental » ou exposition cumulée à une famille de milliers de produits chimiques synthétiques rencontrés dans notre vie quotidienne vient d’être documenté dans la revue Environmental Health Perspectives.
Dans un premier temps, cet outil sophistiqué pourrait bénéficier aux épidémiologistes et aux scientifiques qui mesurent régulièrement les niveaux d'exposition à ces produits chimiques, en particulier aux PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), des composés associés à un taux de cholestérol élevé, aux lésions hépatiques, aux maladies de la thyroïde et aux troubles hormonaux.
« Car aujourd’hui, il existe peu de méthodes pour quantifier la charge d'exposition totale aux mélanges de produits chimiques PFAS auxquels nous sommes exposés au quotidien », relève l'auteur principal, le Dr Shelley Liu, professeur à l’Icahn School of Medicine du Mount Sinaï.
Le premier calculateur de charge PFAS
L’outil prend en compte les expositions à de nombreux produits chimiques de la famille PFAS, et pas seulement les niveaux de substances chimiques individuelles sur lesquelles les méthodes actuelles se concentrent. L’outil pourrait ainsi être extrêmement utile pour la biosurveillance par les organismes de réglementation, pour l'évaluation des maladies et des risques pour la santé en population générale ou pour certains groupes de population, et à terme comme calculateur individuel de son fardeau en PFAS.
Les PFAS, la classe de composés sur laquelle se concentre l’équipe à ce stade de ses recherches, est une famille de plus de 5.000 produits chimiques dont la liaison fluor-carbone leur donne la capacité de repousser l'huile et l'eau. Cette caractéristique leur vaut d’entrer dans la composition d'un nombre croissant d'applications industrielles et de produits de consommation, tels que les produits antitaches et hydrofuges, les poêles antiadhésives en téflon, les peintures, les nettoyants et les emballages alimentaires. De plus, les PFAS ne se désintègrent pas dans l'environnement ou dans notre corps. Au contraire, ils s'accumulent dans notre environnement et dans notre sang, nos reins et notre foie. On sait aujourd’hui que :
les PFAS sont retrouvés dans le sang de 98% de la population des pays riches.
L’étude : l’équipe newyorkaise analyse ici les données américaines de la National Health and Nutrition Examination Survey (NAHNES) pour développer ce score de charge d'exposition sur la base de la théorie des réponses aux items (TRI). La théorie de la réponse aux items a été développée au départ pour noter des tests standardisés, et les chercheurs de Mount Sinai sont les premiers à l'utiliser en épidémiologie environnementale pour développer un score de charge d'exposition. Plus précisément, ils prennent en compte les concentrations sériques de 8 produits chimiques PFAS courants retrouvés chez des adultes et des enfants et, en combinant les concentrations de biomarqueurs de base d'un participant avec un modèle d’exposition beaucoup plus large, c'est-à-dire comprenant l’exposition relative à d'autres biomarqueurs PFAS de la classe chimique, les chercheurs peuvent estimer une charge d'exposition cumulative aux PFAS.
- la méthode permet également de comparer la charge d'exposition aux mélanges chimiques entre les études, même si elles ne mesurent pas le même ensemble de produits chimiques, ce qui permet l'harmonisation entre les études et les groupes de recherche ;
- le calculateur offre la possibilité d'inclure des biomarqueurs d'exposition avec de faibles fréquences de détection et de réduire les erreurs de mesure de l'exposition en tenant compte à la fois des concentrations d'un participant et de ses schémas d'exposition ;
- le calculateur pourrait permettre la comparaison de l’exposition et de la charge cumulative entre plusieurs groupes de population ;
- enfin, l’outil va permettre d’évaluer, parmi les différents systèmes physiologiques, dont cardiométabolique, hormonal et immunitaire, et en combinaison avec les différents résultats de santé, quels sont les systèmes les plus perturbés par ces expositions aux substances toxiques;
- les chercheurs donnent accès en ligne à leur méthodologie statistique à leurs confrères, qui peuvent y connecter leurs propres ensembles de données.
C’est donc une étape importante qui vient d’être franchie dans l'évaluation et la compréhension des effets combinés et cumulatifs des expositions aux substances toxiques sur la santé humaine.
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