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ÉVOLUTION : Peut-on trouver le sommeil sans cervelle ?

Actualité publiée il y a 3 années 10 mois 1 semaine
Science Advances
La fonction cérébrale est-elle une condition préalable au développement de la fonction sommeil ? (Visuel Adobe Stock 176179015)

Restez éveillé trop longtemps peut empêcher de penser correctement. Le sommeil est indispensable au bon fonctionnement du cerveau. Mais le cerveau est-il essentiel au sommeil ? Quand et pourquoi les animaux (et les humains) ont-ils commencé à avoir besoin de sommeil ? La fonction cérébrale est-elle une condition préalable au développement de la fonction sommeil ? En constatant ici qu’en l’absence de cerveau, un animal modèle sans cervelle, l’hydre présente des caractéristiques moléculaires et génétiques normalement associées au sommeil, ces chercheurs de l’Université de Kyushu (Japon) commencent à répondre à la question dans la revue Science Advances : au cours de l’évolution, le sommeil aurait probablement précédé la formation du cerveau ?

 

Le sommeil est aujourd’hui reconnu comme un facteur majeur du mode de vie et de la santé et mieux comprendre son évolution pourrait permettre aussi de mieux prendre en charge les troubles du sommeil ou les troubles du rythme circadien. De nombreuses questions subsistent sur la façon dont le sommeil est apparu chez les animaux. L’équipe japonaise a donc cherché à mieux comprendre l'origine évolutive du sommeil.

L'évolution du sommeil indépendante de l'évolution du cerveau ?

Mais pourquoi étudier le sommeil sur l’hydre ? L’auteur principal, Taichi Q. Itoh, professeur à l'Université de Kyushu rappelle que plusieurs composés chimiques provoquant la somnolence et le sommeil chez l'homme ont des effets similaires sur Hydra vulgaris. Ensuite, ce comportement de sommeil a également récemment été identifié chez un proche parent de l’hydre, la méduse. Mais surtout, les hydres constituent un modèle facile à manipuler pour étudier en détail les mécanismes produisant le sommeil chez un animal sans cervelle. Car ces minuscules hydres aquatiques, privées de SNC, présentent bien les signes moléculaires d'un état de sommeil.

De quelques centimètres de long, l’hydre possède bien un système diffus de nerfs mais n'a pas de système central similaire au cerveau. Cette absence de cerveau qui en fait ici un modèle de choix constitue néanmoins un défi alors que le sommeil est souvent analysé à partir des ondes cérébrales. Alors, les chercheurs utilisent un système vidéo pour suivre l’arrêt des mouvements caractéristique de l’état de sommeil et constatent que :

  • les hydres suivent un rythme circadien de 4 et non de 24 heures ;
  • de nombreuses similitudes liées à la régulation du sommeil au niveau moléculaire et génétique de l’hydre, vs les autres animaux et indépendamment de l’absence de cerveau ;
  • l’exposition des hydres à la mélatonine, un somnifère couramment utilisé, augmente modérément la quantité et la fréquence du sommeil, tandis l’exposition à un neurotransmetteur inhibiteur GABA, un autre produit chimique lié à l'activité du sommeil chez de nombreux animaux, renforce considérablement l’état de sommeil ;
  • l’exposition des hydres à la dopamine, qui provoque l'excitation chez de nombreux animaux, favorise ici le sommeil.

Bien que privée de cerveau, l’hydre a donc acquis certains mécanismes du sommeil.

Des gènes du sommeil indépendants du cerveau ? En utilisant des vibrations et les changements de température pour perturber le sommeil des hydres et induire une privation de sommeil, les scientifiques ont découvert que le manque de sommeil entraîne des changements dans l'expression de 212 gènes, dont un lié à PRKG, une protéine impliquée dans la régulation du sommeil chez un grand nombre d'animaux, dont les souris, les mouches des fruits et les nématodes. Ainsi, en matière de génétique du sommeil, l’hydre semble ainsi partager une origine évolutive commune avec la mouche des fruits et cela suggère l’existence de gènes liés au sommeil communs aux animaux avec et sans cerveau ?

 

De premières preuves d'un développement des mécanismes moléculaires liés au sommeil préalable au développement du système nerveux central.