EXERCICE et DÉCISIONS CLINIQUES : Comment les considérations de coûts sont-elles documentées ?
À quelle fréquence les considérations de coûts sont-elles documentées dans les notes cliniques ? La question est posée par ces chercheurs du Beth Israel Deaconess Medical Center (Boston) qui cherchent ici, dans le JAMA Network Open, à évaluer l’influence des considérations de coût sur les décisions de traitement. La conclusion parle d’elle-même, en ce qui concerne les USI (Unités de Soins Intensifs) couvertes par cette étude, moins de 4% des dossiers comportent une note relative aux coûts des traitements. La mesure dans laquelle les considérations financières peuvent modifier le processus décisionnel, en particulier dans les unités de soins intensifs (USI) mais aussi dans l'ensemble des structures de soins, hôpitaux ou structures de proximité, reste bien mal comprise. L’étude pose ainsi la question plus large de la prise en compte des coûts de soins de santé lors de la prise de décision thérapeutique…
Il s’agit ici d’une étude de cohorte portant expressément sur les notes cliniques narratives apposées sur les dossiers correspondant à 4.146 entrées d’un grand centre médical universitaire. Le contexte est évidemment « extrême » puisqu’en USI, le traitement est dicté par l'urgence plutôt que par des considérations économiques. De nombreux cliniciens ont d’ailleurs été formés pour ne pas prendre en compte les données ou problèmes financiers lors de la prise de décision thérapeutique, cependant les chercheurs rappellent un point important : les coûts des soins de santé peuvent être une préoccupation importante pour les patients et leurs familles.
Pour étudier le lien entre préoccupations financières et prise de décision thérapeutique, les chercheurs ont analysé les notes cliniques de ces plus de 46.000 admissions en USI et leur analyse rapporte que :
- environ 2.000 patients (4%) ont « au dossier » au moins une note reflétant des considérations financières pendant leur séjour en USI ;
- sur l’ensemble des admissions, 142 (0,3%) comportent des notes décrivant un changement de plan de sortie,
- 142 (0,3%) décrivant un changement de plan de traitement ;
- 303 (0,7%) décrivant un changement de médicament ou une non-observance antérieure du médicament. Ces 3 types de changements reposant sur des considérations financières.
Les résultats soulignent l’importance de comprendre comment les contraintes financières peuvent modifier les décisions de traitement à l’hôpital, dans les unités de soins intensifs notamment, mais également en ville, dans les maisons ou les centres de santé pluridisciplinaires, et jusque "chez" le médecin référent.
Peu de preuves de prise en compte des coûts : les chercheurs écrivent qu’ils s’attendaient « à trouver peu de preuves, voire aucune, de prise en compte des coûts dans les notes des USI, reflétant l’idée selon laquelle les soins sont prioritaires et motivés par l'urgence plutôt que par des considérations économiques. De plus, les auteurs soulignent que les conversations explicites sur les coûts lors de rencontres cliniques ne sont pas la norme. Il est difficile de comparer ces données avec celles de précédentes études, car il existe peu d’estimations de la prévalence des conversations ou des décisions financières dans le contexte des soins intensifs mais également plus large des soins de santé : Une analyse des conversations transcrites entre patients et médecins lors de consultations externes a montré qu'environ 1 conversation sur 3, selon la spécialité, inclue une discussion sur le coût du traitement. Une autre étude par sondage mené auprès de 1.379 oncologues a révélé que 84 % prennent bien en compte les frais personnels des patients.
Cette étude est donc une première étape dans la compréhension de l’impact des considérations financières sur les soins et les traitements. Il reste un immense travail à faire pour comprendre comment ces considérations peuvent être aujourd'hui associées aux caractéristiques sociodémographiques et comment elles pourraient être mieux formalisées, via des protocoles et les logiciels de gestion notamment.
Les résultats suggèrent déjà la nécessité de recherches plus systématiques pour déterminer dans quelle mesure les patients et leurs familles ont besoin d’être plus impliqués dans ces considérations financières, notamment pour une meilleure observance du parcours et des traitements.
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