GRAISSE VISCÉRALE : D'un rôle immunitaire bénéfique à celui de déclencheur inflammatoire
Au départ, la graisse viscérale nous protégeait contre la malnutrition et les infections. Cette analyse d’une équipe du Smithsonian Tropical Research Institute (Panama) confirme une hypothèse déjà documentée : les maladies associées à l'obésité dont le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires sont particulièrement courantes chez les adultes souffrant d'obésité abdominale, en particulier en cas d’excès de graisse viscérale (VAT : visceral adipose tissue) mais aussi chez les sujets malnutris au stade fœtal -et dont l'apport nutritionnel va augmenter pour compenser plus tard dans la vie. Ces travaux présentés dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine, révèlent que la fonction immunitaire évolutive de la graisse viscérale est aujourd'hui submergée par des régimes alimentaires bien trop riches.
Cette hypothèse « VAT prioritization hypothesis » liée à l’évolution, repose sur le concept que la sélection aurait favorisé cet investissement en graisse viscérale chez les personnes susceptibles de souffrir de malnutrition à vie, afin de les protéger contre les infections intra-abdominales. Mais, aujourdhui, le diabète de type 2 et d'autres maladies liées à l'épidémie d'obésité sont liées à une accumulation excessive de graisse dans la cavité abdominale sous forme de tissu adipeux viscéral (VAT), remarque l’auteur principal, Mary Jane West-Eberhard, biologiste de l'évolution au Smithsonian Tropical Research Institute. Le VAT protecteur est devenu facteur de troubles métaboliques.
L'obésité pathogène est un processus avantageux qui tourne mal : l'obésité pathogène est un processus qui se voulait protecteur au départ, mais qui tourne mal, écrivent les chercheurs : la graisse viscérale est un super-pansement naturel. L’omentum, une structure riche VAT ou pli recouvrant la cavité abdominale, protège l’abdomen des lésions et des infections, comme un bandage rempli d'antibiotiques. Les chirurgiens utilisent parfois des morceaux d’omentum pour contrôler les infections postopératoires graves. Le VAT entoure l'intestin grêle, protégeant le corps contre les agents pathogènes et les toxines ingérés. Mais alors que cette accumulation de graisse viscérale et censée nous protéger des infections, ce processus nous met aujourd’hui en danger. Il s’agit aujourd’hui de comprendre comment, alors que 300 millions de personnes sont touchées par le diabète associé à l'obésité. La maladie cardiaque est également une cause majeure de mortalité. Ces 2 comorbidités induisent une inflammation chronique, facteur de développement de nombreuses autres comorbidités.
Pourquoi la graisse viscérale est devenue dangereuse ? Les chercheurs développent plusieurs explications possibles :
- L’hypothèse du régime alimentaire actuel : les édulcorants à haute teneur en fructose et les graisses saturées influencent les bactéries qui se développent à l'intérieur du microbiome intestinal, rendant les parois intestinales plus perméables et libérant plus de toxines dans le sang, stimulant ainsi en excès ce système immunitaire viscéral (le VAT), ce qui peut conduire à la maladie inflammatoire chronique.
- L’offre de nourriture en excès : si par le passé, le rôle de la graisse viscérale dans le système immunitaire était vital (et plus important qu'aujourd'hui), pour lutter contre la famine et les infections, aujourd’hui, en particulier chez les fœtus soumis à un stress nutritionnel, plus « d'énergie » que nécessaire pourrait être stockée sous forme de graisse viscérale ou abdominale vs sous forme de graisse sous-cutanée. Cet excès de graisse viscérale a d’ailleurs été associé au risque de comorbidités de l’obésité chez les enfants qui après un stress nutritionnel, rattrapent leur croissance.
- Chez les personnes en surpoids, le risque de cercle vicieux : l’augmentation de la graisse viscérale entraîne une augmentation de l’inflammation chronique, ce qui entraîne une augmentation de la résistance à l’insuline, ce qui induit un stockage supplémentaire de graisse viscérale et donc une vulnérabilité encore accrue aux maladies.
Une conjonction de facteurs liés à nos modes de vie modernes : finalement, la combinaison d’une malnutrition au début de la vie, de régimes modernes riches en graisses saturées et trans et en fructose, peut créer une situation toxique qui bouleverse notre mode de répartition des graisses et inverse le rôle de notre « système immunitaire viscéral ».
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