HYPEROXIE : Juste ce qu’il faut d’oxygène, mais pas trop
En pratique, il suffit de retenir sa respiration un peu trop longtemps pour comprendre qu'un manque d'oxygène est mauvais pour la santé. Mais trop d’oxygène peut être dangereux aussi. Ainsi, respirer un air dont le taux d’oxygène est supérieur à celui dont le corps a besoin peut entraîner des problèmes de santé, voire la mort. Cette étude d’une équipe des Gladstone Institutes (San Francisco) décrypte pour la première fois le fonctionnement moléculaire en jeu lorsque l’oxygène dépasse les niveaux normaux. Ces données, publiées dans la revue Science Advances, sensibilisent aux dangers de l’excès comme du manque d’oxygène et interrogent sur les indications de l’oxygénothérapie.
L’auteur principal, Isha Jain, chercheur au Gladstone et son équipe, expliquent comment l’air respiré avec différents niveaux d’oxygène peut affecter la création et la dégradation de différentes protéines dans les poumons, le cœur et le cerveau. Alors que jusque-là on ignorait totalement comment le corps détecte une trop grande quantité d’oxygène, la recherche apporte une nouvelle compréhension des mécanismes en jeu et de leur rôle clé pour la santé.
Une protéine particulière joue un rôle central dans la réponse à l’hyperoxie
C’est l’une des principales découvertes de cette recherche menée sur la souris, une protéine clé dans la réponse des cellules à l’hyperoxie, ou excès d’oxygène dans le sang. « Avec des implications pour de nombreuses maladies : aux Etats-Unis, plus d’un million de personnes respirent chaque jour un supplément d’oxygène pour des raisons médicales et des études récentes suggèrent que, dans certains cas, cette oxygénothérapie pourrait aggraver la situation ».
Mieux cerner les effets de l’oxygène : alors que la plupart des recherches sur le sujet ont plutôt regardé les effets moléculaires du manque d’oxygène, la nouvelle étude a regardé, plus largement, les réponses des gènes à différentes concentrations d'oxygène. De précédents travaux de la même équipe avaient déjà montré qu’en réponse à une trop grande quantité d’oxygène, certaines protéines contenant des amas de fer et de soufre se dégradent, entraînant un dysfonctionnement cellulaire.
L'étude : les chercheurs ont nourri des souris exposées, durant plusieurs semaines à des niveaux d’oxygène de 8 %, 21 % (le niveau habituel dans l’atmosphère terrestre) et de 60 %, avec des aliments contenant une forme distincte d’azote permettant de calculer les taux de renouvellement des protéines – soit l’équilibre entre la synthèse et la dégradation des protéines – et cela pour des milliers de protéines présentes dans les poumons, le cœur et le cerveau. Cette technique de « marquage isotopique » a permis d’observer que :
- les niveaux d’oxygène affectent de manière plus spectaculaire les protéines des poumons que celles du cœur ou du cerveau ;
- certaines protéines présentant des taux de renouvellement anormaux dans les conditions de niveaux faibles ou élevés d’oxygène ;
- en cas d’exposition à un niveau très élevé en oxygène, une protéine particulière, MYBBP1A, impliquée dans la production de ribosomes, des « machines » cellulaires qui construisent des protéines devient dysfonctionnelle ;
- le rôle moléculaire précis de MYBBP1A au cours de l’hyperoxie, protecteur ou nocif fait actuellement l’objet de recherches supplémentaires, mais ces premières observations suggèrent déjà que la protéine pourrait être une cible intéressante pour contrer les effets néfastes de l'hyperoxie.
L’équipe espère que ses résultats vont sensibiliser aux effets de l’excès comme du manque d’oxygène sur le corps, ce qui pourrait transformer radicalement le traitement de certaines maladies et les indications de l’oxygénothérapie.