INFECTION RESPIRATOIRE : Le mouvement de respiration génère sa propre réponse immunitaire
Ces bioingénieurs du Wyss Institute for Biologically Inspired Engineering à Harvard décryptent le mouvement des poumons, étirement puis contraction, et apportent la première démonstration que ce processus, reproduit plus de 600 millions de fois au cours de la vie, génère des réponses immunitaires contre les virus envahisseurs. Ce mécanisme révélé dans la revue Nature Communications, illustre que les contraintes mécaniques seules peuvent générer une réponse immunitaire innée dans les poumons mais ouvre également la voie au repositionnement de médicaments qui rétablissent la fonction pulmonaire.
En moyenne, une personne prendra plus de 600 millions de respirations au cours de sa vie. Chaque respiration étire les tissus des poumons à chaque inspiration et les détend à chaque expiration. Les simples mouvements de respiration sont connus pour influencer les fonctions vitales des poumons, y compris leur développement chez les bébés, la production de fluide améliorant les échanges d'air sur leurs surfaces internes et le maintien d'une structure tissulaire saine.
Cette recherche de l'Institut Wyss révèle que ce schéma constant d'étirement et de relaxation fait plus encore : il génère des réponses immunitaires contre les virus envahisseurs.
Le mouvement du sac alvéolaire joue un rôle immunitaire
L'importance des mouvements respiratoires pour la santé pulmonaire humaine : ces mouvements respiratoires, de contraction puis de détente, apparaissent également essentiels aux réponses immunitaires à l'infection.
À l'aide d'une puce « pulmonaire humaine » visant à reproduire la structure et les fonctions du sac alvéolaire pulmonaire, l'équipe de recherche démontre que l'application de forces mécaniques qui imitent les mouvements respiratoires supprime la réplication du virus de la grippe en activant les réponses immunitaires innées protectrices. Les chercheurs ont ainsi développé un mini-laboratoire sur puce, répliquant les alvéoles humaines pour modéliser ces réponses dans les parties profondes du poumon, où les infections sont souvent plus sévères, et peuvent conduire à l'hospitalisation et au décès. L’un des auteurs principaux, Haiqing Bai, chercheur au Wyss Institute relève que « ce modèle peut également être utilisé pour les tests précliniques de médicaments afin de garantir que les médicaments candidats réduisent réellement l'infection et l'inflammation dans les tissus pulmonaires humains fonctionnels ». En résumé, la puce reproduit certaines des caractéristiques complexes des poumons, une complexité qui entrave la compréhension de leur fonctionnement au niveau « profond » des cellules et des tissus.
Que se produit-il en cas d’infection ? La puce permet d’observer toute la cascade d’événements physiques et biologiques, déclenchée par l’infection : lorsque l'équipe a infecté ces puces d'alvéoles "respirantes" avec le virus grippal H3N2, elle observe le développement de plusieurs caractéristiques connues de l'infection grippale, notamment la rupture des jonctions entre les cellules, une augmentation de 25 % de la mort cellulaire et l'initiation de programmes de réparation cellulaire. Cependant, les chercheurs observent aussi :
- des niveaux beaucoup plus élevés de multiples cytokines inflammatoires dans le canal des vaisseaux sanguins, y compris l'interféron de type III (IFN-III), une défense naturelle contre l'infection virale ;
- une expression plus élevée de molécules d'adhésion dans les cellules des vaisseaux sanguins, ce qui permet aux cellules immunitaires (cellules B, T et monocytes) peuvent plus facilement se fixer aux parois des vaisseaux sanguins pour combattre l'infection ;
- le développement d’une réponse immunitaire contre le H3N2, qui, toujours observée sur la puce reproduit ce qui se passe dans les poumons de patients humains infectés par le virus de la grippe.
Que se produit-il en cas de contraintes mécaniques :
- lorsque l'équipe applique à ses puces « pulmonaires » infectées, des mouvements de type respiratoires, les alvéoles éliminent 50 % de leur ARNm viral et présentent une réduction significative des niveaux de cytokines inflammatoires par rapport aux puces statiques ;
- l'analyse génétique révèle que cette pression mécanique active des voies moléculaires liées à la défense immunitaire et à de multiples gènes antiviraux, et ces activations s’inversent dès que la pression est arrêtée, d’une manière identique aux anomalies des mouvements pulmonaires causées par une infection respiratoire ;
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Ainsi, les contraintes mécaniques seules peuvent générer une réponse immunitaire innée dans les poumons.
Sachant que parfois les poumons subissent une contrainte supérieure à 5 %, comme dans le cas d'une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) ou lorsque les patients sont mis sous ventilation mécanique, les scientifiques ont augmenté la contrainte à 10 % pour voir ce qui se passerait. Cette pression plus élevée induit une augmentation des gènes et des processus de la réponse immunitaire innée, dont les niveaux de plusieurs cytokines inflammatoires.
Plusieurs médicaments sont envisagés, qui réduisent la production de cytokines inflammatoires - ici sur ces puces alvéolaires infectées. Ces molécules apparaissent ainsi repositionnables pour traiter les infections virales respiratoires, dont le COVID-19. Ainsi, le médicament azéliragon, un inhibiteur connu de la protéine RAGE connue comme médiateur inflammatoire majeur dans plusieurs maladies pulmonaires.
D’ailleurs, lorsque l’équipe infecte les puces pulmonaires avec H3N2 et administre l'azéliragon, le médicament bloque de manière significative la production de cytokines inflammatoires et l’effet est encore renforcé avec l’ajout, en combinaison, de l’antiviral molnupiravir .