INFECTIONS FONGIQUES : La greffe de moelle osseuse induit un risque « scandaleusement élevé »
Cette équipe de l’Université Emory (Atlanta) s‘attaque à la source des infections fongiques mortelles chez les patients ayant subi une greffe de moelle osseuse. Les chercheurs proposent, dans la revue Nature Medicine, un modèle de détection qui va permettre d’identifier les champignons hétérorésistants en clinique.
L’auteur principal, le Dr David Weiss, professeur de médecine de l'université Emory et directeur du centre d’antibiorésistance d'Emory, étudie depuis des années, un phénomène déconcertant appelé hétérorésistance, dans lequel une infime fraction de bactéries reste résistante aux antibiotiques, tandis que le reste des bactéries succombe aux antibiotiques. Ce phénomène prend tout son sens avec les infections fongiques du sang chez les patients qui reçoivent une greffe de moelle osseuse. En effet, ces infections du sang peuvent être mortelles chez ces patients, notamment les infections causées par Candida parapsilosis, une espèce de champignon capable de vivre dans le tube digestif et de pénétrer dans la circulation sanguine.
L’étude est menée en collaboration avec des chercheurs du Memorial Sloan Kettering Cancer Center après que ces cliniciens aient observé en pratique clinique que de nombreux patients greffés développent en effet ces infections sanguines malgré un traitement à base de micafungine, un médicament antifongique appelé « pénicilline des antifongiques ».
Pour les patients infectés, il s’agit bien d’infections potentiellement mortelles, avec ce que les auteurs appellent
un taux de mortalité « scandaleusement élevé ».
l’équipe, forte des travaux déjà menés sur l’hétérorésistance des bactéries a donc décidé d’étudier cette hétérorésistance chez ces champignons, via l’analyse de 219 souches de C. parapsilosis recueillies auprès de patients greffés. Cette analyse révèle que :
l’hétérorésistance est bien en cause chez le petit nombre de patients qui développent ces infections sanguines, en dépit de la prophylaxie avec le micafungine.
« Les champignons essaient simplement de survivre, comme nous le ferions face à une menace », explique l’auteur principal : « Ces champignons se divisent en quelques heures, ce qui leur permet d’évoluer de manière très différente. Chaque fois que nous utilisons des antifongiques, c’est l’occasion pour les champignons d’apprendre un peu mieux à survivre.
Survivre pour ces champignons signifie savoir résister aux antifongiques ».
Un modèle d’apprentissage automatique a été développé par l’équipe, à la suite de ces analyses, qui permet de détecter les champignons hétérorésistants, de pouvoir adopter une approche diagnostique et éclairer les décisions cliniques. L’hétérorésistance peut être désormais détectée sur la base d’un petit ensemble de caractéristiques génomiques qui peuvent être rapidement mesurées.
« Il existe des milliers de mutations. L’algorithme en prend en compte une dizaine ».
Ce modèle constitue un pas vers le développement d’un test simple permettant d’identifier les champignons hétérorésistants en clinique. Cependant, il faudra encore des années de recherche pour décrypter les mécanismes moléculaires précis qui provoquent cette hétérorésistance, qui expose le patient greffé à un risque beaucoup plus élevé de développer une infection mortelle.