JEUX OLYMPIQUES : Faut-il avoir peur du moustique tigre ?
Combien de jours faut-il aux moustiques pour transmettre des arbovirus en Ile-de-France et quelles mesures de prévention s’imposent ? Alors que le nombre de cas de dengue importés en Ile-de-France a augmenté de manière significative au cours des premiers mois de 2024, l'arrivée massive de visiteurs internationaux à Paris pour ces jeux olympiques, notamment en provenance des pays où la maladie est endémique, appelle à la vigilance. Ces scientifiques de l'Institut Pasteur, en collaboration avec l'Agence régionale de lutte contre les moustiques (ARD) et le Centre national de référence des arboviroses (Inserm-Irba) nous expliquent que le moustique tigre, désormais présent en Ile-de-France, est capable de transmettre 5 virus (West Nile, chikungunya, Usutu, Zika et dengue) dans différents délais et à une température extérieure de 28°C. Des données publiées dans la revue Eurosurveillance qui appellent quelques explications.
Quelques données épidémiologiques : entre le 1er janvier et le 19 avril 2024, 1.679 cas importés de dengue ont été recensés en France métropolitaine, soit 13 fois plus que le nombre recensé sur la même période l'année précédente. Il est probable que cette incidence augmente pendant les Jeux olympiques, car davantage de personnes viennent à Paris en provenance de pays endémiques.
Le vecteur de transmission de la dengue est le moustique tigre ou Aedes albopictus. La dengue est due à un arbovirus de la famille des Flaviviridae ; les arbovirus se transmettent lorsqu'une femelle moustique pique un porteur du virus et ingère des particules virales. Les arbovirus ont la particularité de pouvoir se répliquer dans le moustique, les particules virales se multipliant et se propageant à l'intérieur du moustique, atteignant les glandes salivaires en quelques jours. Lorsque la femelle moustique pique un humain, elle lui injecte alors le virus.
Le moustique tigre est présent dans 78 départements de France métropolitaine, ce qui, associé à d'autres facteurs liés au changement climatique, facilite la transmission vectorielle.
L’étude analyse donc, à l’occasion de ces jeux olympiques, la capacité d'Aedes albopictus en Ile-de-France à transmettre 5 arbovirus à une température de 28°C, température probable dans la région à cette période de l'année, et précise le délai entre la première infection et la possibilité de transmission du virus par une nouvelle piqûre de moustique. Outre les virus de la dengue, du chikungunya et du Zika, dont on sait qu'ils peuvent être transmis par le moustique tigre, les scientifiques ont également pris en compte les virus Usutu et West Nile, naturellement transmis par une autre espèce de moustique, Culex pipiens (ou « moustique commun »). Les moustiques Culex pipiens transmettent les virus à l'homme après s'être nourris sur des oiseaux, qui servent de réservoirs viraux.
Le moustique tigre vecteur de 5 arbovirus
L’équipe analyse ainsi en laboratoire, la capacité du moustique tigre à transmettre ces 5 virus et précise la période d'incubation nécessaire pour que le virus atteigne les glandes salivaires du moustique en quantité suffisante pour infecter l’Homme. À 28°C,
- le délai est de 3 jours pour le virus West Nile ;
- la période d'incubation est de 3 à 7 jours pour le chikungunya et l'Usutu ;
- de 14 à 21 jours pour la dengue et le Zika.
Des données cruciales pour évaluer le risque de transmission lors des Jeux olympiques de Paris et prévoir les stratégies de contrôle adaptées : « Si un cas de dengue est détecté en Ile-de-France, nous savons désormais qu'il faut procéder à une désinsectisation dans les 21 jours. Ces résultats nous permettent d'ajuster notre calendrier d'intervention et d'optimiser notre approche », explique l’auteur principal, Anna-Bella Failloux, chercheur à l'Institut Pasteur.
Quelles mesures pour les JO ? Les professionnels de santé sont formés pour détecter les symptômes des arboviroses si les personnes indiquent avoir séjourné récemment dans un pays d'endémie. Cependant, de nombreux cas sont asymptomatiques : bien que la dengue soit une maladie à déclaration obligatoire, jusqu'à 80 % des cas ne présentent que peu ou pas de symptômes. Lorsqu’un diagnostic est confirmé, une enquête est menée par les Agences régionales de santé (ARS) pour déterminer le lieu de résidence ou de séjour des personnes dans les jours précédents et identifier les zones où une désinsectisation est nécessaire.
Toute personne de retour d'un voyage à l'étranger qui présente de la fièvre ou des courbatures est invitée à consulter immédiatement son médecin traitant et à lui indiquer la région de retour.
Un système d'alerte efficace : en France, les collectivités d'outre-mer en zone d'endémie ont permis le développement de l’expertise nécessaire, en matière de surveillance épidémiologique. Depuis 2006, les mesures de lutte antivectorielle en France comprennent cette surveillance particulière du moustique tigre entre le 1er mai et le 30 novembre de chaque année. Cela comprend le suivi des populations de moustiques dans les zones de présence, la surveillance des signalements, la sensibilisation des populations vivant dans les zones de signalement et la lutte antivectorielle en cas de signalements.