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La PEAU, un organe qui parle

Actualité publiée il y a 7 années 7 mois 3 semaines
Jean-Michel Lecerf / Chef du service nutrition de l'Institut Pasteur de Lille

Combien de fois avons-nous entendu des patients, en demande par rapport à leur poids, confier : « Je suis mal dans ma peau ». Bien sûr il faut le prendre au figuré, au même titre que les rhumatologues ont l’habitude d’entendre leurs lombalgiques s’écrier « J’en ai plein le dos ». Cependant, dans les deux cas, ce message témoigne du lien fort qui existe entre le somatique et le psychique, dans les deux sens somatique / psychique. Avec les dermatoses (des parties découvertes du corps), l’obésité est une des rares maladies où le secret professionnel n’existe pas. La peau s’affiche, le poids s’étale, malgré les manœuvres de camouflage. Ainsi le regard des autres, s’il est peu bienveillant, participe à la souffrance de celui qui est « mal dans sa peau » et s’expose.

La peau de l'obèse n'est pas seulement vue, c'est aussi l'organe de l'interface, du contact et donc du toucher. Or un grand nombre de patients, des femmes surtout, en obésité morbide notamment, se sont forgées une carapace, objet de défense, mais surtout de protection. Tout un travail de réhabilitation psychique pour se laisser toucher, c'est-à-dire pour s'accepter et retrouver confiance en soi est nécessaire.

C'est pourquoi soins esthétiques et corporels, voire chirurgie plastique et réparatrice, font partie du traitement. Cette dimension physique et corporelle, du toucher et du soin, est un des bienfaits du thermalisme.

Mais la peau de l'obèse reflète aussi l'intérieur métabolique et nutritionnel.

« Montre-moi ta peau je te dirai ce que tu manges » pourrait-on dire ? Certes il y a en tout premier lieu les stigmates cutanés de l'alcoolisation, bien codifiés par Lego, médecin du travail, avec sa grille analysant sur une échelle de 5 la peau du visage, l'aspect de la conjonctive et celui de la langue. On évoque également fréquemment les manifestations cutanées des carences, avec la célèbre pellagre due à une carence en vitamine B3 caractérisée par un érythème violacé et douloureux des zones découvertes, puis une peau pigmentée, sèche et atrophique et rugueuse : elle est rare. Le scorbut semble une maladie ancienne. Or il réapparaît en cas de pratiques alimentaires désastreuses. Il se manifeste par un œdème, un purpura folliculaire et surtout des hémorragies sous-périostées douloureuses ainsi que des hémorragies des muqueuses buccales. Le déficit en vitamine C, indispensable pour la synthèse de collagène, en est la cause unique. On pourrait aussi citer les déficits en zinc et en protéines parmi les carences nutritionnelles ayant un retentissement cutané.

La peau est aussi un miroir de maladies ou de désordres métaboliques. Ainsi le psoriasis est deux fois plus fréquent en cas d'obésité, le diabète 1,5 fois plus fréquent ; on sait aussi qu'il est plus sévère en cas d'alcoolisme. L'acné est aussi une maladie dans laquelle l'hyperinsulinémie intervient en augmentant la production d'IGF1 et en diminuant l'IGFBP-3, impliquées dans la prolifération des kératinocytes. Si l'analyse de la littérature n'a pas permis d'identifier un ou des aliments responsables de l'acné, il semble bien qu'une alimentation avec un index glycémique élevé et une charge glycémique élevée favorise, à la puberté notamment, l'aggravation de l'acné. Acné, vergetures, hirsutisme, alopécie androgénique et surpoids font aussi partie de l'insulinorésistance associée au syndrome des ovaires micropolykystiques.

Mais le stigmate le plus caractéristique de l'insulinorésistance est l'acanthosis nigricans (étymologiquement « écailles noires ») : il s'agit d'une hyperkératose hyperpigmentée des plis (aisselles) et de la nuque, ressemblant à de la crasse. La rechercher et l'identifier signent à coup sûr une insulinorésistance sévère, en partie ou totalement génétique (par mutation du récepteur de l'insuline ou présence d'anticorps antirécepteurs à l'insuline).

Enfin l'hydranite suppurée, constituée de lésions nodulaires des grands plis, siège des glandes sudorales apocrines, et évoluant vers des abcès est également associée à une insulinorésistance.

Tout un travail de réhabilitation psychique pour se laisser toucher est nécessaire.

Mais la peau permet aussi le diagnostic de maladies lipidiques sévères. C'est le cas des xanthomes éruptifs et fugaces de l'hypertriglycéridémie sévère, mais aussi des xanthélasmas. Ceux-ci associés à une hypercholestérolémie comprise entre 3 et 5 g/l signent l'hypercholestérolémie familiale hétérozygote de type IIa, associés fréquemment à des xanthomes tendineux. Les xanthélasmas, petites élevures jaunâtres, siègent au pourtour des paupières et de l‘angle interne de l'œil. Un signe précieux.

Cet inventaire non exhaustif montre l'importance de l'examen clinique car la peau est vraiment un organe qui parle !


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