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MÉDECINE PERSONNALISÉE : Next step, comprendre les interactions géniques

Actualité publiée il y a 5 années 6 mois 1 semaine
Cell
Depuis la mise en œuvre du Human Genome Project, si l’on avance peu à peu dans la connaissance des fonctions de certains gènes majeurs, on est encore loin de comprendre et de connaître les interactions géniques. Pourtant, c’est bien la clé de la médecine personnalisée

Depuis la mise en œuvre du Human Genome Project, si l’on avance peu à peu dans la connaissance des fonctions de certains gènes majeurs, on est encore loin de comprendre et de connaître les interactions géniques. Pourtant, c’est bien la clé de la médecine personnalisée et ce sont ces réseaux d'interactions génétiques qui détiennent des indices sur la susceptibilité à la maladie et la réponse au traitement, nous explique cette équipe de l’Université de Toronto. L’équipe commence à décrypter comment des milliers de gènes s'organisent en réseau dans une cellule (Voir visuel ci-contre).

 

Le Human Genome Project a ouvert la porte à une nouvelle vision de la santé, celle de la médecine personnalisée, dans laquelle le risque de maladie et le traitement approprié dépendraient étroitement de la constitution génétique de chacun. Au fur et à mesure des séquençages, des gènes liés à la maladie ont été identifiés. Cependant, il reste difficile d’évaluer la santé future et de prédire le risque de maladies d’un individu à partir d'informations génomiques. Cela s'explique en partie par le fait que les gènes interagissent entre eux et modifient notre héritage génétique. Les chercheurs du Donnelly Centre for Cellular & Biomolecular Research (Ontario) marquent ici une étape dans la compréhension de cette interaction : « Toutes les données de séquençage du génome mettent en évidence la complexité de l'héritage », commente l’auteur principal, le Dr Brenda Andrews, directrice du Centre Donnelly. « La simple idée d'un gène unique conduisant à une seule maladie risque davantage d'être une exception que la règle ».

 

Des combinaisons de gènes : les études d'association à l'échelle du génome, ou GWAS, qui analysent les génomes de populations de patients et les comparent à des témoins sains, ont mis au jour des milliers de mutations, ou variantes génétiques, plus répandues dans certaines maladies. La plupart des variantes se rencontrent dans les maladies courantes qui touchent de larges groupes de population cependant leurs effets peuvent être faibles et complexes à identifier. Il peut en effet exister de nombreuses combinaisons de modifications génétiques subtiles dispersées dans le génome qui modifient la susceptibilité d’un sujet à ces maladies.

 

Des effets épigénétiques : la grande diversité génétique de la population humaine influence également la transmission des traits, tandis que les effets (épigénétiques) de l’environnement, dont l’alimentation et l’éducation, compliquent encore les choses.

 

Parfois, une seule variante d’un gène peut être extrêmement puissante et provoquer une maladie, comme on le voit dans la fibrose kystique, l'hémophilie et d'autres troubles héréditaires. Mais même 2 patients atteints d’un même variant peuvent éprouver la maladie de manière extrêmement différente, une caractéristique qui aujourd’hui ne peut être « extraite » de l’analyse de leur génome. Pour preuve, certaines études de séquençage ont même identifié des personnes porteuses de mutations dommageables mais qui restent en parfaite santé. Ces personnes semblent protégées par d'autres variantes du gène encore inconnues.

 

Comprendre l'effet des combinaisons de variantes est donc le nouvel objectif, les chercheurs faisant l’hypothèse que des ensembles particuliers de mutations ont un impact réel sur l'évolution de la maladie. Il s’agit donc bien de comprendre la façon dont les gènes interagissent les uns avec les autres. Cependant, la plupart des méthodes d'analyse du génome n'ont pas la capacité statistique d’identifier les combinaisons de plusieurs gènes responsables d'une maladie. Pour identifier un seul couple de gènes à l'origine d'une maladie, il faudrait en effet séquence le génome d’environ un demi-million de patients et le comparer à celui d’un demi-million de témoins en bonne santé.

 

Comment ces interactions peuvent-elles donc être identifiées ? On dit que 2 gènes interagissent si le résultat combiné de leurs défauts est supérieur ou inférieur à celui attendu de leur résultat individuel. Par exemple, une personne portant une mutation du gène A ou du gène B peut être en bonne santé, mais si A et B ne fonctionnent pas, une maladie survient. Des recherches sur des organismes modèles simples, notamment des levures, ont permis de cartographier les interactions génétiques à l'échelle du génome, révélant comment des milliers de gènes s'organisent en groupes fonctionnels au sein d'un réseau. À partir de là, des principes de base ont été dégagés, permettant aux chercheurs de prédire la fonction d’un gène et son importance relative pour la santé de la cellule, en fonction de sa position dans le réseau. Des études ont également révélé l'identité de « gènes modificateurs », capables de supprimer l'effet de mutations dommageables. Ces études nécessitent « d’éteindre » des gènes selon des combinaisons précises pour trouver ceux qui fonctionnent ensemble.

 

L'édition du génome CRISPR, permet de désactiver facilement les gènes humains et ouvre ainsi de grandes possibilités. Bien qu'aucune carte génomique ne soit pas encore disponible, des travaux préliminaires indiquent que les mêmes principes découverts dans des organismes modèles s'appliquent également aux gènes humains. Cela contribue déjà à révéler la fonction des gènes humains moins étudiés et leur lien avec la maladie. Avec de nouvelles approches informatiques, il devient possible d’intégrer les résultats d’organismes modèles aux données humaines pour obtenir un nouvel aperçu des données génomiques utiles pour la santé.

 

Les interactions génétiques dans les cancers constituent probablement le champ d’application de ces recherches génomiques le plus évident. En effet, les cellules cancéreuses stockent des mutations dans leur génome, ce qui les distingue des cellules saines d'une manière qui peut être exploitée à des fins thérapeutiques. Savoir comment les gènes interagissent dans le cancer laisse entrevoir la mise au point de médicaments sélectifs ne tuant que les cellules malades et laissant intactes les cellules saines. Ainsi, comprendre « le câblage génétique » d'une cellule cancéreuse permettra de l’éliminer de manière sélective. Si cette connaissance des interactions génétiques aidera à comprendre pourquoi autant de médicaments anticancéreux approuvés ne fonctionnent que chez certains patients et pas chez d’autres, plus largement, cette démarche permettra de révéler des cibles médicamenteuses distinctes pour différentes formes de maladie.

 

« Nous ne pouvons plus penser en termes de gènes isolés », concluent les chercheurs, « nous devons commencer à examiner les variantes de plusieurs gènes en tant que composante majeure d'une maladie génétique, car ces combinaisons sont différentes pour différentes personnes et ces combinaisons spécifiques peuvent affecter profondément la susceptibilité à la maladie, mais aussi imposer de nouvelles thérapies personnalisées ».


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