MICROBIOTE et DIAGNOSTIC : Ils transforment des bactéries en trackers de MICI
Des bactéries "espions" qui conservent une mémoire à long terme de l'inflammation intestinale et deviennent de véritables outils diagnostiques vivants capables de détecter des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) et d'autres affections, c’est l’hypothèse développée par ces chercheurs du Wyss Institute et de la Harvard Medical School dans la revue Nature Biotechnology. Ils en apportent d'ailleurs la preuve de concept, chez la souris, dans la revue Nature Biotechnology.
Le microbiome intestinal est de mieux en mieux documenté pour ses effets sur la santé et les maladies humaines. Mais c'est la première fois qu'une équipe étudie son potentiel diagnostique. Ainsi, si les bactéries du microbiome intestinal normal sont déjà utilisées telle une option thérapeutique, sous forme de probiotiques par exemple, ici les chercheurs exploitent leur capacité naturelle à détecter et à répondre aux stimuli de l'environnement ou de la maladie. L'implication pourrait être de taille pour la détection des MICI qui restent difficiles à surveiller de manière non invasive. Cependant si en théorie l'option « diagnostique » semble prometteuse, il reste encore à développer des capteurs biologiques durables et résistants, capables de surveiller ces biomolécules, au sein du microbiote et à long terme. Mais c'est presque chose faite.
L'idée ici est justement d'utiliser les bactéries du microbiome comme capteurs de biomarqueurs, en modifiant leur génome et en les dotant d'un ensemble de gènes qui fonctionnent ensemble pour mener à bien une fonction sensorielle ou de réponse. La première difficulté est que certaines de ces modifications génétiques peuvent affaiblir ou interrompre les circuits de signalisation normaux et être toxiques pour ces bactéries. Le second défi est que même si les microbes probiotiques adaptés tolèrent ces changements, ils peuvent accuser des retards de croissance et être submergés par d'autres bactéries du microbiome. En conséquence, ce microbes thérapeutiques modifiés peuvent être rapidement éliminés du corps, ce qui les rend inadéquats pour une surveillance de longue durée de l'environnement tissulaire de l'organisme.
La faisabilité d'un diagnostic bactérien vivant : Mais l'équipe de recherche « propose » un puissant capteur bactérien doté d'un circuit génétique stable intégré dans une souche bactérienne colonisante capable d'enregistrer l'inflammation intestinale pendant 6 mois. La preuve de concept, apportée ici chez la souris, confirme la faisabilité d'un diagnostic bactérien vivant qui pourrait être adapté à une utilisation chez les patients humains.
La clé de cet outil restant l'introduction d'un « module de mémoire » capable de détecter certaines biomolécules longtemps après le déclenchement du stimulus. L'exemple est donné ici avec le tétraathionate, une molécule métabolique transitoire produite dans l'intestin de la souris modèle d'inflammation, à la suite d'une infection par des bactéries pathogènes comme Salmonella typhimurium et Yersinia enterocolitica...Le circuit génétique synthétique conçu comporte un déclencheur reconnaissant spécifiquement le biomarqueur (ici le tétrathionate) dans les cellules et un élément "mémoire" composé de 2 gènes qui se régulent selon que le stimulus est présent ou pas. Dans le capteur de tétrathionate, le produit du gène A bloque l'expression du gène B lorsque le tétrathionate est absent. Lorsque le tétrathionate est produit pendant l'inflammation et est détecté par l'élément déclencheur, les niveaux de A diminuent et l'expression du gène B augmente et commence à désactiver l'expression du gène A…La bactérie "s'allume" alors en bleu et cette fluorescence peut perdurer des mois... Ici, les chercheurs se montrent capables de détecter du tétrathionate chez la souris modèle d'inflammation intestinale 6 mois après l'administration de bactéries probiotiques contenant un capteur.
Tous les microbiomes pourraient être concernés : si l'intestin a été choisi comme le premier terrain de recherche en raison de son inaccessibilité par des moyens non invasifs et sa susceptibilité fréquente à l'inflammation, cet outil de diagnostic « vivant » pourrait être élargi finalement à tous les microbiomes du corps. Pour l'instant, l'équipe prévoit d'étendre ce travail à la détection de l'inflammation dans l'intestin humain et de développer de nouveaux capteurs détectant des signes d'autres conditions.
On retiendra donc la faisabilité de capteurs bactériens vivants et sophistiqués capable de détecter n'importe quelle molécule et, bien sûr, l'importance de la biologie synthétique pour l'avancement de la médecine.
29 May, 2017 DOI: DOI: 10.1038/nbt.3879 Engineered bacteria can function in the mammalian gut long-term as live diagnostics of inflammation (Visuel@Wyss Institute et Harvard Medical School)
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