RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : Alerte aux moustiques
Cet expert, le professeur Rachel Lowe de l'Institut catalan de recherche et d'études avancées (ICREA, Barcelone) qui dirige le groupe sur la résilience en santé mondiale au Barcelona Supercomputing Center, documente ici l’évolution de la menace mondiale des maladies à transmission vectorielle et l’importance cruciale de l’amélioration des systèmes de surveillance et d’alerte précoce pour lutter contre une invasion des moustiques vecteurs, liée au réchauffement climatique. De Nouvelles données, présentées lors de la Réunion annuelle de l’European Society of Clinical Microbiology and Infectious Diseases (ECCMID 2024) en forme de signal d’alarme sur ce phénomène mondial en hausse, dans un monde plus chaud et plus peuplé.
Selon ces nouvelles prévisions, 4,7 milliards de personnes supplémentaires dans le monde seront exposées au risque de contracter le paludisme et la dengue d'ici 2100 si les émissions et la croissance démographique continuent d'augmenter aux niveaux actuels. Cette prévision vaut également pour l’Europe, où les changements climatiques favorisent toute une série de maladies infectieuses sensibles au climat et le risque de transmission locale.
L’étendue géographique des maladies à transmission vectorielle, notamment celles transmises par les moustiques comme le paludisme et la dengue, s’étend de manière continue depuis ces 80 dernières années, mettant désormais plus de la moitié de la population mondiale à risque. Stimulées par le réchauffement climatique et l’urbanisation, les épidémies de maladies transmises par les moustiques « devraient » se propager dans les régions actuellement non touchées du nord de l’Europe, de l’Asie, de l’Amérique du Nord et de l’Australie au cours des prochaines décennies.
Des systèmes d'alerte précoce sont cruciaux
Ces systèmes d’alerte, qui restent à renforcer, combinent la surveillance des moustiques et les prévisions climatiques pour donner aux communautés locales le temps de se préparer et de se protéger.
L’expert déclare : « le réchauffement climatique signifie que les vecteurs de maladies qui transportent et propagent le paludisme et la dengue vont trouver refuge dans de nouvelles régions, des épidémies commençant à se produire dans des zones où les populations sont encore naïves au plan immunologique et où les systèmes de santé publique ne sont pas préparés.
La dure réalité est que des saisons chaudes plus longues élargiront la fenêtre saisonnière de propagation des maladies vectorielles
et favoriseront des épidémies de plus en plus fréquentes et de plus en plus complexes à gérer ».
9 des 10 années les plus meurtrières de la dengue se sont produites depuis 2000, permettant aux moustiques porteurs de la dengue d'envahir 13 pays européens, avec une propagation locale de la maladie observée en France, en Italie et en Espagne en 2023. Le nombre de cas de dengue recensés par l’OMS a été multiplié par 8 au cours de ces 20 dernières années, passant de 500.000 en 2000 à plus de 5 millions en 2019.
Cependant, jusqu’à ces dernières années, la dengue, propagée par des moustiques qui piquent pendant la journée, est restée majoritairement confinée aux régions tropicales et subtropicales. Les données climatiques actuelles suggèrent que les saisons chaudes plus longues vont faire de
la dengue, la maladie virale transmise par les moustiques qui se propage le plus rapidement au monde.
« Les sécheresses et les inondations liées au changement climatique peuvent entraîner une plus grande transmission du virus, l’eau stockée fournissant des sites de reproduction supplémentaires pour les moustiques. Les enseignements tirés des épidémies précédentes soulignent l’importance d’évaluer les futurs risques de maladies à transmission vectorielle et de préparer des mesures d’urgence pour de futures épidémies ».
En limitant le réchauffement climatique à l’objectif ambitieux de 1°C, la population exposée au risque de paludisme et de dengue devrait augmenter de 2,4 milliards de personnes supplémentaires d’ici 2100, par rapport à la période 1970-1999. Cependant, si la trajectoire actuelle d’émissions de carbone élevées et de croissance démographique se poursuit, le nombre de personnes supplémentaires – 4,7 milliards – sera multiplié par 2 d’ici la fin du siècle.
En combinant la surveillance des insectes porteurs de maladies avec les prévisions climatiques, les chercheurs développent des moyens de prédire quand et où des épidémies pourraient survenir ce qui permet de préparer et de cibler les interventions vers les zones les plus à risque.
De superordinateurs tournent actuellement pour comprendre comment le climat et la transmission des maladies sont liés et pour prédire les épidémies de maladies transmises par les moustiques.