TÉLÉCONSULTATION : Et si c’était le médecin qui en souffrait le plus ?
L’épidémie COVID-19 a brutalement modifié l'interaction médecin-patient, la pratique passant de la médecine présentielle (« hands-on ») à la médecine distancielle (« hands-off). Des médecins de soins primaires réfléchissent ici, avec ces quelques mois de recul, à la signification du toucher dans la pratique clinique et à la façon dont les soins virtuels transforment cet aspect pourtant jusque-là primordial. Ces réflexions, présentées dans les excellentes Annals of Family Medicine, rappellent, au-delà de l’exercice pratique, toute la symbolique du toucher dans la dispensation des soins.
Bien que la technologie permette aux médecins de rester en contact verbal avec les patients, les praticiens perdent la capacité de toucher physiquement. Or, traditionnellement, le toucher est au cœur de la pratique médicale, l'examen physique guide le diagnostic et contribue à une décision thérapeutique éclairée.
« Le langage silencieux du toucher remplit une fonction symbolique plus profonde »,
permettant aux médecins de reconnaître les préoccupations des patients de manière tangible.
Le toucher exprime aussi pour le patient, la guérison, allant au-delà du contact peau à peau pour transmettre des intentions d'humanité, d'attention voire de connexion médecin-patient. Pourtant, les patients « s’y font » : rappelons cette étude qui confirme qu’ils se sont plutôt bien adaptés à la téléconsultation : ils utilisent la téléconsultation en ligne de la même manière qu'ils se comportent lors d’une consultation médicale traditionnelle. Un constat un peu décevant pour ces chercheurs qui suggéraient plusieurs axes d'adaptation des plateformes en ligne pour coller aux besoins spécifiques des patients.
En France, depuis l’épidémie COVID-19 et le confinement, la plupart des professionnels de santé, dont les médecins et les infirmiers peuvent proposer une prise en charge à distance des patients. La téléconsultation qui permet la continuité des soins en toute sécurité aurait atteint près de 13 millions de consultations de janvier à fin août 2020. Enfin, afin d’accompagner les professionnels dans leur choix de logiciels pertinents pour la téléconsultation, le Ministère des Solidarités et de la Santé a référencé les premières solutions disponibles qui permettent la télésurveillance et la coordination des soins. Cependant au-delà des contraintes techniques et de sécurité des données,
la téléconsultation questionne la capacité du médecin à établir un lien avec son patient
Ainsi, dans cet article, plusieurs médecins témoignent sur les nouveaux défis qui s’imposent au quotidien dans cette construction d'un nouveau lien médecin-patient, si essentiel pour la qualité des soins :
« Un médecin hospitalier canadien se décrit se présentant à distance à son patient, montrant un questionnaire à compléter, emmitouflé dans un équipement de protection individuelle, ses yeux perçant au-dessus de son masque. Il se dit incapable de contrôler l’effet de ses expressions faciales. Chaque matin, il se dirige vers son bureau, « qui sent les lingettes hydroalcooliques », il soupire, il met le téléphone sur haut-parleur, compose son premier numéro, c’est son premier patient ».
« Un médecin communautaire irlandais arrive à son centre de médecine familiale. Cependant, tout est différent. Au lieu de s'asseoir avec ses collègues et de discuter, il se sert de café avec une technique «sans contact» et garde ses distances. La salle d'attente, généralement pleine de bavardages, est étrangement silencieuse. Il entre dans sa salle de consultation et ferme la porte pour sa première consultation à distance. La chaise du patient reste vide. La pandémie de COVID-19 a changé sa pratique de la médecine. Les visites virtuelles, par téléphone ou lien vidéo, sont la nouvelle norme. Pourtant les consultations à distance devraient aussi permette de rester en contact avec les patients : on parle, on écoute, on peut même voir.
cependant, avec la distance, on est déconnecté.
Pas d'examen physique, pas de geste de la main pour rassurer. Le toucher du médecin qui incarne sa mission de guérisseur a disparu ».
Le toucher fait ainsi cruellement défaut dans ces rencontres virtuelles impersonnelles désincarnées. Ce toucher reliant les médecins à leurs patients physiquement et émotionnellement en tant qu'êtres humains, et permettant un contact primordial.
Le toucher est devenu tabou. Il a été éliminé par le virus.
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