THROMBOSE : Les parmodulines arrêtent les caillots en épargnant la coagulation
L’inflammation est l’un des processus les plus importants et les plus complexes du corps humain : la réponse inflammatoire à une blessure ou à une maladie est cruciale pour déclencher le système immunitaire mais l'inflammation chronique peut entraîner une augmentation de la production de thrombine avec la formation de caillots sanguins dangereux. Ces scientifiques du Wyss Institute for Biologically Inspired Engineering d’Harvard travaillent sur un vaisseau sanguin sur une puce pour démontrer l’efficacité d'un nouveau candidat anti-inflammatoire, capable d’arrêter la formation de caillots tout en épargnant la coagulation. Des travaux à paraître dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine, qui apportent une première preuve de concept de l’efficacité de cette molécule anti-inflammatoire qui prévient la thrombose endothéliale, mais préserve également la coagulation sanguine. Bref, une approche alternative et prometteuse pour traiter la maladie inflammatoire endothéliale.
On connait la protéine C activée (RPCa), une protéine anti-coagulante naturelle avec des effets anti-inflammatoires et d'autres effets protecteurs déjà exploités médicalement pour traiter les infections sanguines graves et les plaies. Cependant, son utilisation reste limitée car son inhibition de la thrombine a également un impact sur la capacité du sang à coaguler, ce qui augmente le risque de saignement.
Les parmodulines, de nouveaux candidats-médicaments prometteurs : l’équipe du Beth Israel Deaconess Medical Center (BIDMC) et de l'Institut Wyss ouvre une alternative. Elle montre que de petites molécules synthétiques RPCa-like appelées « parmodulines » apportent des effets similaires, anti-inflammatoires et une protection thrombotique, mais sans interférer avec la coagulation du sang. Les parmodulines apparaissent ainsi comme de nouveaux candidats-médicaments prometteurs.
La preuve via la technologie Organ-on-Chip : Un vaisseau sanguin sur puce permet ici de modéliser la coagulation dans un vaisseau sanguin. Les chercheurs mènent ainsi ce mini essai pré-clinique de l'effet des parmodulines sur l'endothélium « on-chip », et précisent ainsi la voie par laquelle fonctionnent les parmodulines et comment elles protègent les cellules endothéliales des dommages inflammatoires.
PAR1, une protéine clé du processus inflammatoire : la protéine cible sur laquelle agissent les RPCa et les parmodulines est le récepteur activé par la protéase transmembranaire 1 (PAR1), présent sur les cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux sanguins et les plaquettes circulant dans le sang et favorisant la coagulation. PAR1 a déjà été identifiée comme un récepteur de la thrombine, au centre du processus inflammatoire. Cependant, lorsque PAR1 est activée par RPCa sur l'endothélium, elle active des voies anti-inflammatoires, anti-apoptotiques et fortifiantes, qui protègent les cellules contre les effets négatifs de l'inflammation.
En plus d'activer PAR1, RPCa inhibe également la production de thrombine, un composant essentiel de la coagulation saine du sang. Cependant, trop inhiber la production de thrombine peut conduire à des saignements incontrôlés.
Les parmodulines se lient à PAR1 et offrent ainsi une alternative à RPCa, en réduisant la production de thrombine de plus de 50% mais sans inhiber les protéines qui interviennent dans la coagulation sanguine. La preuve est ici apportée sur le vaisseau sanguin sur puce constitué de canaux microfluidiques noyés dans une puce de polymère transparente, recouverte de collagène et recouverte de cellules endothéliales humaines. Le sang total est perfusé à travers la puce pour simuler les conditions d'écoulement dans les vaisseaux sanguins humains et différents composés pro- et anti-inflammatoires y ont été joutés pour évaluer la réponse de l'endothélium. Et l'exposition à la parmoduline bloque la réponse thrombotique de l'endothélium aux stimuli inflammatoires sans affecter la coagulation sanguine. De plus la parmoduline induit également des réponses cytoprotectrices dans les cellules endothéliales en inhibant l'apoptose (mort cellulaire programmée) induite par la thrombine.
Enfin, des études in vivo chez la souris montrent que la parmoduline 2 réduit la liaison des globules blancs aux vaisseaux sanguins, réduit également l'accumulation de plaquettes et de fibrine au niveau des lésions, confirmant son activité antithrombotique et anticoagulante, mais avec une réduction des autres effets secondaires.
« Cette découverte d'une molécule anti-inflammatoire qui prévient la thrombose endothéliale, mais préserve également la coagulation sanguine normale est une étape majeure vers une approche alternative et meilleure pour traiter la maladie inflammatoire », concluent ainsi les chercheurs.