VIEILLISSEMENT : Rapidité d’esprit = rapidité de mouvement
Chez les personnes plus âgées, de 80 ans et plus, une fonction ultraprécise de la mémoire est liée à des mouvements également plus rapides, conclut cette large étude, menée à Universidad Politécnica de Madrid. En d’autres termes, les octogénaires à performance cognitive élevée bougent également plus rapidement et ont en général, une meilleure santé mentale, selon ces conclusions publiées dans le Lancet Healthy Longevity.
Ces données, obtenues par IRM notamment, ajoutent à la preuve que ces personnes ont plus de matière grise dans les régions cérébrales associées à la mémoire, alors qu’aucune différence n’est détectée, par rapport aux personnes âgées typiques dans les biomarqueurs ou les facteurs de risque génétiques de neurodégénérescence.
On « parle » ici d’octogénaires qui peuvent se souvenir des événements quotidiens et des expériences de la vie comme des personnes de 20 à 30 ans plus jeunes. Ainsi, alors que la mémoire décline progressivement avec l’âge chez la plupart des humains, ces personnes plus âgées semblent suivre un déclin cognitif très réduit, avec l'âge.
L’auteur principal, Marta Garo-Pascual, du Centre Alzheimer de Madrid pose la question : « ces octogénaires sont vraiment résistants au déclin de la mémoire lié à l'âge ou ont-ils des capacités d'adaptation remarquables qui leur permettent de surmonter ce déclin mieux que leurs pairs ? Nos résultats suggèrent que ces personnes âgées sont plus résistantes au déclin lié à l’âge. Les liens identifiés entre la performance cognitive et la vitesse de déplacement vont nous aider à comprendre ces mécanismes de protection de la mémoire -et de la motricité- au cours de la vieillesse ».
Un mécanisme commun de résilience cognitive, physique et psychique ?
De précédentes recherches ont identifié des différences dans la structure du cerveau et des facteurs de mode de vie – dont les liens sociaux – qui peuvent impacter la santé cognitive et la mobilité des plus âgés. Cette étude prend mieux en compte et sur une durée plus longue, les facteurs démographiques, de mode de vie ou cliniques qui peuvent contribuer préserver la mémoire jusqu'à un âge avancé.
L’étude analyse les données de la cohorte Vallecas (Madrid) composée de 1.213 personnes âgées de 69 à 86 ans exemptes à l’inclusion (entre 2011 et 2014) de troubles neurologiques ou psychiatriques. 64 participants « super-âgés » et 55 adultes âgés typiques (témoins) mais « performant » correctement sur les principales fonctions cognitives, ont été identifiés parmi ces participants. Les participants ont passé 6 visites de suivi annuelles, au cours desquelles les facteurs démographiques et de mode de vie ont été recueillis, subi des examens IRM pour mesurer le volume de matière grise et effectué une série de tests cliniques. Des échantillons de sang ont été prélevés pour évaluer les biomarqueurs de maladies neurodégénératives et les éventuels facteurs de risque génétique de la maladie d'Alzheimer.
- Sur la base d’un test cognitif reconnu (FCSRT), utilisé pour évaluer la fonction de mémoire, les participants super-âges ont fait au moins aussi bien que la moyenne des participants plus jeunes d’environ 30 ans, ayant le même niveau d'études ;
- les données IRM ont montré que les super-âgés super-performants ont plus de matière grise dans les zones cérébrales clés impliquées dans la mémoire, ainsi que dans la partie du cerveau impliquée dans le mouvement ;
- ce niveau global de matière grise des super-âgés dans les zones clés décline plus lentement sur une urée de suivi de 5 ans que chez les témoins ;
- une vitesse de déplacement plus rapide et une meilleure santé mentale sont 2 caractéristiques associées à cette super-mémoire ;
- ces participants obtiennent également de meilleurs résultats au test Timed Up and Go - qui mesure la mobilité et à un test de tapotement des doigts qui mesure la fonction motrice fine : ces participants ont donc une meilleure mobilité, une meilleure agilité et un meilleur équilibre que les témoins du même âge. Ce constat vaut toujours après prise en compte des niveaux de pratique de l’exercice ;
- aux tests cliniques visant à mesurer les niveaux d'anxiété et de dépression, ces participants obtiennent des scores inférieurs à ceux des témoins, ce qui confirme en quelque sorte les conclusions de précédentes recherches ayant suggéré que
- la dépression et l'anxiété peuvent nuire aux performances cognitives ;
- ces participants font également preuve d'une plus grande autonomie dans leur vie quotidienne ;
- ils présentent enfin des niveaux inférieurs de biomarqueurs de neurodégénérescence que les adultes âgés typiques ;
- en revanche, aucune différence n’est relevée sur la prévalence de facteurs de risque génétique majeur d'Alzheimer, dont APOE e4.
Quelles explications ? Il est possible que ces personnes super-âgées mais à super-cognition aient des activités plus exigeantes physiquement comme le jardinage ou la montée d'escaliers. L'activité physique qui favorise la baisse de la pression artérielle, réduit le risque d'obésité et augmente le flux sanguin vers le cerveau, pourrait, via une meilleure santé cérébrovasculaire, contribuer à préserver des capacités cognitives chez les personnes âgées. Il est également possible que le fait d'avoir une meilleure santé cérébrale soit tout simplement l’explication d’une meilleure motricité et vitesse de déplacement.
La recherche révèle ainsi un chevauchement entre les facteurs de risque ou de protection de la démence et ceux associés au vieillissement plus physique (tels que la tension artérielle, le contrôle de la glycémie et la santé mentale). Des recherches plus approfondies sur ce chevauchement entre les gènes associés au vieillissement cognitif et au vieillissement moteur permettront de mieux identifier les mécanismes sous-jacents, dont certains probablement communs,
à cette résilience cognitive, mentale et physique.
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