ALZHEIMER : Et si l’on réduisait APOE4 au silence ?
Cette étude de chercheurs des Gladstone Institutes (San Francisco) centrée sur le plus grand facteur de risque génétique de la maladie d’Alzheimer, la variante du gène ApoE4, révèle une toute nouvelle cible médicamenteuse. L’équipe décrypte dans les Cell Reports, comment cette variante nocive amène les neurones à libérer une molécule de signalisation inflammatoire et comment le blocage de cette libération toxique pourrait prévenir ou traiter la maladie d'Alzheimer.
Faire partie des près de 25 % de personnes porteuses de la variante génétique en question, indique un risque plus élevé que la moyenne de développer la maladie d'Alzheimer. APOE4 est l'une des 3 versions du gène APOE. Les personnes portant une copie du gène APOE4 sont précisément 3,5 fois plus susceptibles de développer la maladie d’Alzheimer que celles possédant la version la plus courante, APOE3.
Les personnes possédant 2 copies d’APOE4 (environ 3 % de la population) encourent un risque 12 fois plus élevé.
Mais même si les scientifiques savent depuis longtemps qu’APOE4 entraîne des changements dans le cerveau pouvant contribuer à la démence, le mécanisme exact de cet effet reste largement incompris.
APOE4, HMGB1 et l'inflammation de la microglie
L’étude montre que les neurones producteurs d'APOE4 libèrent une molécule de signalisation immunitaire appelée HMGB1 à des taux beaucoup plus élevés que les neurones produisant d'autres variantes d'APOE. Lors de sa libération, HMGB1 active les cellules immunitaires du cerveau appelées microglies, qui déclenchent alors l'inflammation et la dégénérescence des neurones.
- lorsque les chercheurs bloquent, chez la souris modèle, la libération de HMGB1 avec un cocktail de 2 médicaments expérimentaux, l’activation microgliale est réduite et la neurodégénérescence est stoppée dans le cerveau.
Une nouvelle perspective thérapeutique : l’auteur principal, le Dr Yadong Huang, professeur de neurologie et de pathologie à l'Université de Californie à San Francisco, conclut que le ciblage de cette nouvelle voie pourrait conférer une protection très forte contre la neurodégénérescence induite par APOE4 : « cela contribue aussi à répondre à la question de longue date sur le rôle de la neuro-inflammation induite par APOE4 dans la maladie d'Alzheimer », ajoute le chercheur.
Qu'est-ce qui vient d’abord : la neurodégénérescence ou l’inflammation ? Dans le cerveau, la maladie d’Alzheimer a des effets divers sur différents types de cellules. Parmi les changements associés à la maladie figurent l’accumulation de protéines tau et amyloïde, l’activation des microglies qui favorise l’inflammation, ainsi que la dégénérescence et la mort des neurones. Aujourd’hui les chercheurs restent indécis :
« Il se pourrait que les neurones dégénèrent en premier, ce qui déclencherait l'activation de la microglie. Mais il se pourrait aussi que la microglie s'active d'abord et déclenche ensuite la neurodégénérescence."
Cependant, lorsque les scientifiques étudient l’activation microgliale dans le contexte de l’APOE4, lorsque les neurones avec APOE4 sont exposés au stress, HMGB1 se déplace du noyau vers le cytoplasme des cellules et est libéré à l’extérieur à la cellule, alors que dans les neurones avec APOE3, HMGB1 est maintenu à l'intérieur du noyau. Des études supplémentaires sur la souris modèle révèlent que l'élimination sélective de l'APOE4 des neurones empêche bien la libération de HMGB1 des neurones.
Pris ensemble ces résultats confirment le lien entre l'APOE4 neuronale et la libération de HMGB1.
Une nouvelle cible ? L’étude de l’impact de 2 médicaments expérimentaux qui bloquent la libération de HMGB1 révèle que la combinaison permet en effet de réduire l’activation de la microglie et le développement de la neurodégénérescence.
« Le résultat très clair : lorsque vous bloquez la sortie de HMGB1 hors des neurones, vous prévenez de nombreux aspects différents de la pathologie d'Alzheimer ».
Enfin, si APOE4 exerce également d’autres effets sur les neurones, sur la base de leurs résultats, les chercheurs émettent l’hypothèse que sans l’activation de la microglie, ces autres effets ne suffisent pas à contribuer à la neurodégénérescence. Ainsi, les médicaments ciblant HMGB1 pourraient être efficaces à prévenir ou à traiter la maladie d’Alzheimer liée à APOE4.
« Ces petites molécules ont d’ailleurs déjà fait l'objet d'essais cliniques pour d'autres maladies et pourraient donc passer relativement rapidement aux essais cliniques pour la maladie d'Alzheimer ». Une autre voie est également à l’étude, celle d’autres molécules permettant également de cibler HMGB1, sa libération par les neurones et son impact sur la microglie.
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