BÊTABLOQUANTS : Pas toujours justifiés à long terme
Cette équipe de cardiologues de l’Uppsala University (Suède) remet en question l'utilisation à long terme des bêta-bloquants pour réduire le risque de crise cardiaque. Si la pratique clinique est largement acceptée, l’étude, publiée dans la revue Heart de l’American Heart Association (AHA), n’identifie aucune différence dans les résultats cardiovasculaires et de mortalité, chez les patients victimes de crise cardiaque et exempts de complications cliniques.
Les bêta-bloquants sont une classe de médicaments principalement utilisés pour gérer les anomalies du rythme cardiaque, l'angine de poitrine et l'hypertension artérielle. Ces médicaments sont systématiquement prescrits, en prévention secondaire, après une crise cardiaque pour réduire le risque de récidive et d'autres complications cardiovasculaires.
Cependant cette pratique clinique consistant à utiliser des bêta-bloquants à long terme pour réduire le risque de nouvelles crises cardiaques ou de décès ne semble pas justifiée chez les patients qui ne souffrent pas d'insuffisance cardiaque. Les chercheurs n’identifient ici aucune différence dans les niveaux de risques cardiovasculaires, entre les patients prenant des bêta-bloquants plus d'un an après leur crise cardiaque et ceux ne prenant pas ces médicaments.
La plupart des preuves actuelles de l’intérêt de cette prévention secondaire par bêtabloquants sont basées sur les résultats d’essais cliniques antérieurs à des changements majeurs dans les protocoles de soins de routine de ces patients victimes d'une crise cardiaque.
Vers un nouveau protocole chez les patients sans complications cliniques ultérieures ?
L’étude a cherché à renforcer les preuves en faveur ou défaveur d’une telle prévention à partir des données de 43.618 adultes âgés de 54 ans en moyenne, ayant subi une crise cardiaque entre 2005 et 2016 ayant nécessité une hospitalisation et recensés au registre national suédois des maladies coronariennes (SWEDEHEART). Aucun de ces patients ne souffrait d'insuffisance cardiaque ou de dysfonction systolique ventriculaire gauche.
- 34.253 participants se sont vu prescrire des bêtabloquants et étaient toujours sous traitement 1 an après la sortie de l'hôpital ;
- 9.365 n’avaient pas reçu une telle prescription.
Les chercheurs se sont concentrés sur les différences entre ces 2 groupes en termes de décès toutes causes confondues et de taux de nouvelles crises cardiaques, de revascularisation - une procédure visant à rétablir le flux sanguin vers certaines parties du cœur - ou d'admission à l'hôpital pour insuffisance cardiaque. L’analyse révèle que :
- un traitement à long terme par bêtabloquants n'est pas associé à une amélioration des résultats cardiovasculaires au cours d'une période de surveillance moyenne de 4,5 ans ;
- 19 % des participants prenant des bêtabloquants et 22% de ceux n'en prenant pas, sont décédés de toutes causes ou ont eu une autre crise cardiaque, ou ont nécessité une revascularisation non programmée, ou ont été admis à l'hôpital pour insuffisance cardiaque ;
- après prise en compte des facteurs de confusion possibles, dont les comorbidités, aucune différence significative n’est relevée dans les taux de complications, entre les 2 groupes.
Si l’étude, observationnelle, n’établit pas de relation de cause à effet, force est de constater, sur ce large échantillon, une absence d’association entre le traitement par bêtabloquants à long terme et une réduction du taux de complications. Alors que les bêtabloquants sont associés à plusieurs effets secondaires tels que la dépression et la fatigue, et il est temps de réévaluer la valeur du traitement à long terme avec ces médicaments chez les patients victimes d'une crise cardiaque qui ne souffrent pas d'insuffisance cardiaque ou de ou de dysfonction systolique ventriculaire gauche.
« En dépit des preuves solides de la capacité des bêtabloquants à long terme à améliorer les résultats post-crise cardiaque, il n'est pas certain que cet avantage s'applique aux patients à faible risque qui prennent d'autres thérapies et qui ont un fonctionnement cardiaque normal ».
L’étude soulève une question importante directement liée à la qualité des soins :
les patients dont le cœur fonctionne normalement bénéficient-ils d'un traitement bêta-bloquant à long terme après une crise cardiaque ?
La question est maintenant posée et de grands essais cliniques randomisés devront y répondre.
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