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BURN OUT des MÉDECINS : Ces deuils qui font l'épuisement professionnel

Actualité publiée il y a 7 années 3 mois 2 semaines
Annals of Family Medicine
La prévalence de l’épuisement professionnel chez les médecins est aujourd’hui estimée entre 37% à 53%

La communauté médicale n’est-elle pas toujours « un peu en deuil »?, s’interroge ce médecin responsable de la Société des médecins indépendants de Madison (US). Car les médecins font régulièrement face à la « perte » et au deuil, dans le cadre de leur exercice d’abord mais aussi dans leurs missions, leurs rôles et leur reconnaissance. Toute transition ouvre la possibilité d’une perte et la perte mène au deuil. Un plaidoyer publié dans les Annals of Family Medicine, pour une meilleure reconnaissance de ce facteur quasi-quotidien dans l'expérience des médecins contributeur majeur à leur épuisement professionnel.

Les responsabilités médicales et professionnelles des médecins connaissent des changements importants depuis ces 20 dernières années, dont le passage fréquent d’une pratique privée à une fonction salariée ou associée dans le cadre d’une structure de soins pluridisciplinaire, la mise en œuvre de dossiers médicaux électroniques, les modifications de couverture de risques des assurances professionnelles, l’évolution des cadres réglementaires et administratifs et les nouvelles exigences de formation et d'accréditation…

 

Le deuil d'une partie de soi engagée dans le travail : des changements qui ont nécessité des ajustements dans la pratique de la médecine. « Des adaptations qui entraînent une perte », écrivent les auteurs. A titre d’exemple, les nouveaux modes d’accueil des patients dans les centres pluridisciplinaires ont modifié le premier contact de l'interaction patient-médecin ; l’exigence de l’électronique accompagne aujourd’hui le contact personnel voire familial d’antan. Ces transitions impliquent des « pertes », des « deuils » et du stress. Une étude citée par l’auteur décrit ce phénomène comme le « deuil d'une partie de soi engagée dans le travail ». L’exemple est fréquent de médecins dont le sens de l'intégrité professionnelle se trouve menacé par une incapacité perçue de fournir des soins à un rythme acceptable pour que ces soins soient considérés comme « efficients ».

L’épuisement professionnel entraîne la perte de capacité à s'engager de manière énergique, enthousiaste ou efficace dans « son » exercice médical quotidien. La prévalence de l’épuisement professionnel chez les médecins est aujourd’hui estimée entre 37% à 53%. La charge de travail, la récompense, le contrôle, la communauté, les valeurs et l'équité sont des domaines clés dans lesquels les processus organisationnels créent un cadre qui favorise l'engagement ou, a contrario l'épuisement professionnel. Un médecin qui va laisser une pratique de partenariat pour un emploi salarié et subit une augmentation de la charge de travail administrative encoure un risque accru d'épuisement. Pour ces médecins éprouvés, la perte d'engagement au travail est une perte d'une partie d'eux-mêmes.

Là où il y a une perte, il y a du chagrin : lorsque ces transitions affectent les aspects essentiels de l'identité professionnelle du médecin, l'adaptation peut entraîner une perte importante, un « deuil qui draine l'énergie physique, l'endurance émotionnelle et, parfois, la capacité intellectuelle ».  Si l'épuisement du médecin a été abordé principalement avec des stratégies de réduction du stress, de coaching de mode de vie et de travail sur la résilience, les approches actuelles laissent de côté le chagrin et la souffrance des médecins. « Au travail, « les émotions et les sentiments sont actualisés, découragés et refusés » et, par conséquent, toutes les pertes sont privées de reconnaissance sur le lieu de travail ». A cette absence de reconnaissance « des pertes » s’ajoutent un échange entre collègues de plus en plus limité, la nature hiérarchique du milieu hospitalier et les préoccupations concernant les erreurs professionnelles. Si en privé, les médecins peuvent supprimer de manière défensive la conscience de leur chagrin, sur le lieu d’exercice les médecins doivent minimiser la reconnaissance de leurs pertes, ce qui complique encore leur expérience du deuil.

Il reste beaucoup à faire : si la recherche en santé au travail a beaucoup progressé sur les interventions qui permettent d'éviter l'insatisfaction et l'épuisement professionnel, il s’agit également de porter attention à la question « du deuil » chez les médecins. Ces expériences doivent être « nommées » et reconnues : il s'agit d'un moment opportun pour désigner les pertes professionnelles en tant que telles, reconnaître le chagrin, favoriser une empathie collégiale et traiter cliniquement la souffrance. Chaque organisation doit peser le coût des conséquences imprévues des changements d’organisation. En attendant, « nous devons accorder le plus grand soin à considérer que les médecins sont comme en deuil, tout en respectant leur rôle professionnel ».

 


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