LEUCÉMIE : Vers une nouvelle forme de chimio ?
« Chemotherapy sucks », écrivent en préambule, ces scientifiques cancérologues de l’Université de Californie - Santa Barbara. Leur objectif, développer des chimiothérapies sans effets toxiques. Avec ces travaux publiés dans le Journal of Medicinal Chemistry, ils identifient une nouvelle classe de médicaments qui offrent un traitement plus sûr et mieux ciblé aux patients atteints de leucémie.
Les chimiothérapies entraînent généralement des effets secondaires terribles, on sait que ces traitements sont souvent toxiques pour le patient autant que pour son cancer. L’objectif avec les traitements actuels est bien, alors que le cancer se développe si rapidement, la chimiothérapie tuera la maladie avant que ses effets secondaires ne tuent le patient. Cependant, de nombreuses équipes travaillent à des traitements mieux ciblés qui épargnent les cellules saines du patient.
L’équipe de l'UC Santa Barbara, avec des collègues de l'UC San Francisco et du Baylor College of Medicine (Houston), identifie 2 composés plus puissants et moins toxiques que les thérapies actuelles contre la leucémie.
2 molécules qui fonctionnent différemment des traitements anticancéreux standard
et pourraient constituer la base d'une toute nouvelle classe de médicaments. Il s’agit de plus d’un repositionnement, les 2 composés étant déjà utilisés pour traiter d'autres maladies- ce qui faciliterait la demande d’autorisation pour cette indication.
Une enzyme mutée impliquée dans la différenciation : au départ, l’équipe a identifié une enzyme mutée chez les patients atteints de leucémie. Il s’agit de l’enzyme DNMT3A qui contrôle la différenciation des cellules souches de la moelle osseuse. Les scientifiques ont donc cherché à réguler cette enzyme, par de nouvelles molécules efficaces mais pas toxiques pour les cellules humaines. Lorsque « quelque chose tourne mal avec DNMT3A », les cellules souches de la moelle osseuse se transforment en cellules sanguines anormales. Cet événement primaire conduit à différentes formes de leucémie, ainsi qu'à d'autres cancers.
Désactiver l'enzyme coupable, en désactive d'autres ...La plupart des médicaments anticancéreux sont conçus pour tuer sélectivement les cellules cancéreuses tout en laissant les cellules saines seules. Mais cet objectif est très difficile, et, en pratique, de nombreux traitements sont extrêmement toxiques. Les traitements actuels contre la leucémie, comme la décitabine, se lient au DNMT3A de manière à désactiver l’enzyme, ralentissant ainsi la progression de la maladie. Ces médicaments bloquent le site actif de l'enzyme pour l'empêcher de remplir sa fonction, mais il se trouve que ce site actif de DNMT3A est pratiquement identique à celui de DNMT1, une autre enzyme impliquée dans la régulation épigénétique de la plupart des cellules du patient. C’est ce qui conduit à la toxicité.
S'attaquer aux complexes qui guident l'action enzymatique : plutôt que de bloquer le site actif de l’enzyme DNMT3A, les chercheurs ont eu l’idée de perturber les complexes, que forme DNMT3A soit avec elle-même ou avec des protéines partenaires. Ces complexes peuvent impliquer plus de 60 partenaires différents et, fait intéressant, ils agissent comme des dispositifs de guidage pour orienter DNMT3A et l’aider à contrôler des gènes particuliers. L’équipe identifie ensuite des médicaments susceptibles d'interférer avec la formation de complexes DNMT3A qui se produisent dans les cellules cancéreuses. Le criblage d’une bibliothèque de 1.500 composés a permis d’en identifier 2 qui perturbent les interactions de DNMT3A avec des protéines partenaires. Comme ces 2 médicaments ne se lient pas au site actif de la protéine, ils n'affectent donc pas le DNMT1 à l'œuvre dans toutes les autres cellules du corps.
Une sélectivité qui augure d’une véritable percée dans le traitement de la leucémie.
Ces premiers inhibiteurs rapportés de DNMT3A qui perturbent les interactions protéine-protéine sont déjà utilisés en clinique pour d'autres maladies. En pratique, se permettent les chercheurs, « les oncologues pourraient prescrire ces composés aux patients hors AMM dès maintenant »- même s’il reste ecore beaucoup à apprendre sur les effets à long terme, possibles aussi, de ces médicaments.
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