MÉDECINE RÉGÉNÉRATIVE : Faire repousser les nerfs à partir de cellules de gencive
Ces bioingénieurs de l'Université de Pennsylvanie ont développé une nouvelle approche de réparation chirurgicale des nerfs périphériques blessés, basée sur la polyvalence des cellules souches mésenchymateuses de la gencive. Cette approche innovante de « réparation nerveuse » associe le pouvoir régénérant des cellules souches mésenchymateuses dérivées de la gencive, à un échafaudage biologique conçu pour permettre la récupération fonctionnelle des nerfs. Une première preuve de concept préclinique est ici apportée, dans la revue npj Regenerative Medicine, et plus particulièrement pour la réparation de blessures au visage.
Réparer une lésion nerveuse majeure du visage ou de la bouche exige que des chirurgiens qualifiés prélèvent un nerf d'un bras ou d'une jambe et l'utilisent pour restaurer le mouvement ou la sensation sur le site d'origine du traumatisme. Cette approche, connue sous le nom d'autogreffe nerveuse, est aujourd’hui la norme de soins pour la réparation nerveuse, mais elle a ses inconvénients. En plus de léser un site du corps, la procédure ne permet pas toujours une repousse nerveuse complète et fonctionnelle, en particulier pour les blessures plus importantes.
Le tissu gingival pour la repousse des nerfs
De récentes techniques ont testé des échafaudages disponibles dans le commerce pour guider la croissance nerveuse. Ces échafaudages ont été infusés avec des facteurs de croissance et des cellules pour soutenir la régénération. Mais à ce jour, ces recherches n’ont pas été de francs succès. La récupération nerveuse s’est heurtée à la difficulté de maturation d’un grand nombre d'axones et à une régénération adéquate de la myéline, le matériau isolant autour des nerfs périphériques qui leur permet de se déclencher de manière rapide et efficace.
Cette approche innovante privilégie l’utilisation de cellules souches mésenchymateuses dérivées de la gencive humaine, différenciées en cellules de type Schwann, des cellules pro-régénératives du système nerveux périphérique qui fabriquent la myéline et les facteurs de croissance neuronale. L'infusion d'un échafaudage avec ces cellules et leur utilisation pour guider la réparation des lésions du nerf facial ici chez un modèle animal de lésion nerveuse montre une efficacité similaire à la procédure actuelle d'autogreffe. Les chercheurs utilisent à nouveau des échafaudages disponibles dans le commerce pour la croissance nerveuse, infusent les cellules souches dans l'hydrogel de collagène et créent une feuille de cellules de Schwann qui guide la génération d'axones dans l'espace laissé par la blessure.
« Utiliser la capacité de régénération de ces cellules souches
pour recréer des cellules nerveuses est un nouveau paradigme », explique l’auteur principal, Anh Le, président et professeur de chirurgie buccale et maxillo-faciale à l'École de médecine dentaire de la Penn. Anh Le est un pionnier de l’utilisation de cellules souches mésenchymateuses dérivées de la gencive humaine dans le traitement de plusieurs maladies inflammatoires et dans "la repousse" de toute une variété de types de tissus craniofaciaux.
Les avantages des cellules de la gencive : le tissu gingival peut être extrait facilement et cicatrise rapidement, offrant une source accessible de ces cellules souches. Le potentiel de ces cellules pour la repousse nerveuse est lié, en partie, à la lignée commune des cellules : chez l’embryon, le tissu craniofacial est dérivé des mêmes cellules progénitrices de la crête neurale que les nerfs.
D'une petite lacune à de plus grandes lésions nerveuses : L’objectif de cette étude préclinique était de réparer une petite lacune dans un nerf, cependant les chercheurs passent déjà à l’étape suivante, tenter de réparer des lésions plus importantes, comme en cas d’ablation d’une tumeur de la bouche par exemple. L’approche offrirait aux patients atteints d'un cancer de la bouche ou d'un traumatisme facial la possibilité d'utiliser leurs propres tissus pour récupérer une fonction motrice et une esthétique satisfaisantes du visage.
Si l’équipe se concentre ainsi sur les cancers et les lésions de la tête et du cou, l’approche pourrait trouver de précieuses applications dans la réparation nerveuse dans d'autres zones du corps.
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