OPIOÏDES : Mais comment sera le bébé ?
On ignore encore largement les effets sur la santé du bébé de l'exposition prénatale aux opioïdes, rappelle en préambule cette recherche de l’Université d'Utah. Alors que l’épidémie des opioïdes gagne du terrain, que la grossesse peut être une période d'incertitude anxieuse, la question légitime posée par ces pédiatres est toute simple : « Le bébé ira-t-il bien? ». Quels sont les effets sur le développement cérébral et cognitif, sur le comportement de l’enfant plus tard dans la vie et comment doit-on prendre en charge le syndrome de sevrage néonatal aux opioïdes ? Les résultats des études restent contradictoires tout comme leurs méthodologies. "Il y a urgence à y voir un peu plus clair", écrivent les auteurs dans la revue Pediatrics.
Car dans les cas où le bébé a été exposé à des opioïdes in utero, la réponse sur son état de santé futur est incertaine. Elisabeth Conradt, auteur principal et son équipe ont rassemblé et examiné 52 publications afin de répertorier les connaissances existantes sur l'exposition prénatale aux opioïdes. Les chercheurs tentent avec cette analyse de répondre à la principale question que se posent les mères, les pères et les médecins en cas de consommation d’opioïdes pendant la grossesse : comment cette exposition aux opioïdes affectera-t-elle la santé de l'enfant ? « Nous ne parvenons pas à répondre à cette question avec les données que nous avons ».
La crise des opioïdes menace-t-elle toute une génération d’enfants ?
Quels effets à la naissance de l’exposition in utero aux opioïdes ? 11 études menées auprès d’enfants atteints du syndrome de sevrage néonatal aux opioïdes, diagnostiqué 3 à 4 jours après la naissance révèlent des symptômes tels que des problèmes d'alimentation, des tremblements et des cris aigus. Ces études aboutissent à des résultats décrits comme incohérents, en fonction du traitement de la mère de sa dépendance aux opioïdes :
- certaines montrent des différences de comportement entre les nouveau-nés exposés à la buprénorphine et ceux exposés à la méthadone. La buprénorphine et la méthadone sont toutes deux administrées comme traitement de la dépendance aux opioïdes chez l'adulte, la buprénorphine étant approuvée pour le traitement de la dépendance chez la femme enceinte ;
- certaines études montrent une diminution des symptômes du syndrome de sevrage néonatal aux opioïdes chez les nouveau-nés exposés à la buprénorphine,
- d'autres études aucune différence significative entre les deux groupes de nouveau-nés.
Des données « ténues et si contradictoires », que les auteurs ne savent pas conclure sur les effets de l'exposition prénatale aux opioïdes à la naissance.
Quel développement de l’enfant après exposition in utero aux opioïdes ?
- 21 études portant sur le développement d'enfants âgés de moins de 2 ans après une exposition prénatale aux opioïdes, mais portant sur un petit nombre d'enfants, aboutissent à des effets mitigés dont certains pourraient être dus à d'autres facteurs de confusion. Une étude de taille suffisante menée auprès de 131 enfants semble confirmer l’absence d’effets sur les résultats cognitifs et comportementaux. Les auteurs déclarent « se sentir plus à l'aise » pour affirmer que l'exposition prénatale aux opioïdes avant la naissance pourrait ne pas avoir d'effets majeurs après prise en compte des facteurs de confusion possibles.
- 27 études ont porté sur le développement cognitif au-delà de l'âge de 2 ans. Certaines études révèlent des effets significatifs sur le QI et le langage, d'autres aucun effet significatif.
Et sur le comportement de l’enfant ? Les études de comportement apparaissent plus cohérentes. Le diagnostic de syndrome de sevrage néonatal aux opioïdes apparait associé à une moindre attention. Les effets comportementaux apparaissent lorsque les enfants grandissent. « Il n'est pas surprenant », écrivent les chercheurs, « que les enfants exposés in utero à la méthadone puissent rencontrer plus de difficultés dans certaines fonctions cognitives. Toutefois, il reste difficile de déterminer si ces effets sur le comportement sont directement liés à l'exposition aux opioïdes ou d’autres facteurs environnementaux ou à l'interaction de ces 2 facteurs ».
Le manque de preuves est, finalement, la principale conclusion de cette méta-analyse, avec un appel à poursuivre ces recherches sur les conséquences de l’exposition in utero aux opioïdes ou aux traitements maternels contre la dépendance, sur la santé cognitive et le développement de l’enfant. Ce sera l’objectif du programme « ECHO », un programme de recherche soutenu par les NIH pour améliorer la santé des enfants, mené auprès de plus de 50.000 enfants sur des centaines de sites aux États-Unis.
Comprendre ce que l'exposition prénatale aux opioïdes représente pour l'avenir d'une génération d'enfants en pleine croissance, est une urgence, concluent les auteurs.
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