RISQUE MÉDICAL : Les médecins doivent être mieux formés à reconnaître les erreurs
Les chercheurs de la « Penn » prônent ici une nouvelle culture de la gestion de l’erreur médicale qui passe par la formation des médecins et des professionnels de santé à surmonter les défis psychosociaux qui freinent la divulgation, l’analyse, la réparation et la prévention des erreurs médicales. Ce papier d’experts, présenté dans la revue Medical Education, qui s’inspire aussi de l’expérience d’autres secteurs, suggère une culture plus transparente de sécurité des soins : une culture qui ne doit avoir peur de l’erreur mais « s’en nourrir » en quelque sorte, pour mieux l’éviter à l’avenir.
Les erreurs médicales sont une des principales causes de décès, elles entraînent environ 30.000 décès chaque année en France et 250.000 aux Etats-Unis. Si la communauté médicale a fait des progrès pour normaliser et encourager la divulgation et l'analyse des erreurs médicales afin d'améliorer les protocoles, la sécurité des patients et les résultats des soins de santé, les lignes directrices restent insuffisantes sur la psychologie sociale qui fait obstacle à la divulgation et la prise en compte des erreurs médicales et la gestion de leurs conséquences. Pourtant, à condition de retour d'expérience et d'analyse, ces conséquences involontaires sur la santé du patient, d'un acte médical sont souvent évitables et pourraient alors être évitées.
Les chercheurs de l'École de médecine de l'Université de Pennsylvanie appellent à une meilleure éducation et à une formation permettant aux médecins de relever les défis psychologiques posés par la reconnaissance de ces erreurs afin de réduire le nombre et la gravité des erreurs médicales et globalement pouvoir améliorer la qualité des soins.
Passer d'une culture de l'erreur médicale punitive à une culture positive et réparatrice : cela passe par des modes de divulgation, de reconnaissance et de proposition qui participent aussi à une culture de la transparence dans les systèmes de santé. Aujourd'hui, ces initiatives se cantonnent aux aspects juridiques et financiers et n'abordent aucunement la « psychologie médicale », en pratique, la peur, la honte et la culpabilité du médecin ou professionnel de santé qui divulgue son erreur. En fait, remarquent les auteurs, ce sont ces facteurs psychologiques qui sont plus difficiles à surmonter, en particulier en raison des fuites possibles sur une erreur commise ou un professionnel responsable, sur les réseaux sociaux. Et c'est justement parce que ces aspects sont sensibles, qu'il s'agit de mieux les encadrer.
2 biais cognitifs majeurs entravent souvent la divulgation d'erreur : l'erreur fondamentale d'attribution caractérisée par une surestimation par le médecin de sa propre responsabilité dans une situation donnée, et l'erreur de prévision qui va surestimer l'impact et la durée des conséquences négatives et sous-estimer les solutions possibles pour réduire les conséquences négatives de l'erreur. Dans le cas d'une erreur qui a entraîné une iatrogénie, en exagérant son rôle et sa responsabilité, le médecin est moins enclin à examiner les raisons systématiques pour lesquelles cette erreur s'est produite. Ensuite, il peut également surestimer les conséquences à long terme ou le délai de récupération du patient, ce qui accroît son sentiment de culpabilité et nuit à la relation médecin-patient. « Il s'agit de surmonter ces préjugés ce qui implique non seulement une conscience de soi, mais aussi un protocole et une pratique et, surtout, l'éducation et la formation.
D'autres secteurs peuvent apporter des exemples de modèles de résolution et de prévention du risque et des erreurs. Ce sont les secteurs de l'industrie où une erreur peut s'avérer fatale, comme l'industrie aérienne, par exemple. Ces industries ont déjà développé des stratégies, notamment pour surmonter ces modèles de pensée en utilisant la psychologie sociale, pour transformer la culture de la divulgation, reconnaissance et réparation d'erreur. Si l'on applique ces modèles au secteur de la santé, on peut imaginer par exemple, les patients témoins ou « patients traceurs », des exercices de prise en charge où des acteurs simulent des situations-patients difficiles, des exercices d'interactions avec les membres de la famille afin de se familiariser avec les différents mécanismes d'adaptation… Ces initiatives permettent de travailler efficacement sur les facteurs psychosociaux de la divulgation d'erreur, y compris la culpabilité, le sentiment d'ineptie ou la peur des répercussions.
La réalité virtuelle est un autre outil prometteur, qui peut venir en complément des programmes de formation traditionnels, tout en étant facilement évolutifs donc adaptables à chaque retour d'expérience. La limite cependant de ces différentes interventions reste que les professionnels participants soient conscients que le scénario est simulé. Rien ne vaut, donc, la confrontation à une situation réelle et à la nécessité impérieuse de devoir faire face à son erreur et à ses conséquences possibles, pour apprendre, aussi, à surmonter ces freins psychosociaux, écrivent les auteurs. D'où l'idée de la mise en place d'une norme professionnelle pour divulguer et faire face aux erreurs médicales. Cette norme permettrait de normaliser davantage la divulgation et l'analyse des erreurs médicales et de formaliser une pratique chez les médecins et les internes.
Une nouvelle culture de l'erreur médicale donc, et à tous les niveaux d'intervention à l'hôpital ou en centres de santé. Encore une fois, le cadre ou le chef de service ne doit pas se demander « mais qui est le responsable ? » mais « pourquoi et comment s'est produit cette erreur, quels sont les facteurs et quel protocole peut permettre de les prévenir ? ». Bref, la culture de sécurité des soins ne doit avoir peur de l'erreur mais « s'en nourrir » en quelque sorte.
Cette approche permettra non seulement de normaliser les données sur les erreurs, mais aussi de mieux comprendre pourquoi elles se produisent et comment les éviter.
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