SCHIZOPHRÉNIE : Une barrière hémato-encéphalique qui fuit ?
Cette équipe de l’Université de Pennsylvanie souligne l'implication du système immunitaire du cerveau dans le développement de certains troubles mentaux dont la schizophrénie : ils suggèrent qu’une barrière hémato-encéphalique fuyante, ne pouvant plus assurer la protection du système nerveux central, pourrait favoriser une réponse immunitaire inappropriée et une inflammation cérébrale. Ces travaux, publiés dans la revue Brain, concluent que de nombreux troubles neuropsychiatriques seraient aussi neuro-inflammatoires et que la résolution de l'inflammation pourrait contribuer à les inverser.
En raison d'une barrière hémato-encéphalique déficiente, le système immunitaire pourrait s'impliquer dans le système nerveux central, entraînant une inflammation qui contribuerait aux manifestations cliniques de ces affections neuropsychiatriques. «Nous avons fait l’hypothèse que l’inflammation résultant d’une fonction immunitaire de la barrière hémato-encéphalique compromise aurait un impact sur le système nerveux central », résume le Dr Jorge Iván Alvarez, auteur principal de l’étude. « Nos travaux révèlent comment la barrière hémato-encéphalique et les processus neurologiques ont un impact non seulement sur la schizophrénie, mais probablement sur de nombreux troubles mentaux ».
Troubles neuropsychiatriques, troubles neuro-inflammatoires ?
L'équipe de recherche s’est concentrée sur une maladie rare appelée syndrome de délétion 22q11.2 (22qDS), caractérisée par l’absence d’une petite partie d'ADN du chromosome 22 qui peut entraîner des malformations cardiaques et palatines. 25% des personnes atteintes de ce syndrome développent également une schizophrénie. La maladie 22qDS est donc une porte d’entrée pour l’étude de la schizophrénie.
Un premier indice sur le rôle clé de la barrière hémato-encéphalique : il se trouve en effet que dans ce syndrome de délétion, l'un des gènes manquants est impliqué dans la fonction de la barrière hémato-encéphalique. L’équipe a donc étudié la barrière hémato-encéphalique et son effet sur le système immunitaire dans la maladie. Plus précisément, les chercheurs ont examiné les cellules souches de patients atteints de 22qDS et de schizophrénie, amenées à se développer en cellules endothéliales de la barrière hémato-encéphalique. Ils constatent, avec cette analyse, que la fonction de barrière dans les cellules dérivées de patients 22qDS est altérée vs les cellules de témoins sains. Ce constat est ensuite validé, in vivo, chez la souris modèle de déplétion 22qDS : la barrière hémato-encéphalique de ces souris est également perméable.
Le cerveau bénéficie d'un privilège immunitaire : le cerveau présente des niveaux de molécules de signalisation immunitaires faibles car il est déjà bien protégé par ce blocage physique que constitue la barrière hémato-encéphalique. Cependant, les chercheurs montrent ici que 22qDS compromet ce privilège immunitaire et observent davantage de cellules immunitaires et de molécules pro-inflammatoires capables de traverser la barrière : l'examen du tissu cérébral post-mortem de 3 patients atteints de 22qDS vs 3 témoins apporte de nouvelles preuves de l’altération des fonctions de protection physique et immunitaire de la barrière hémato-encéphalique.
La neuro-inflammation en cause dans de nombreux troubles mentaux ? Les travaux s'ajoutent à un nombre croissant de preuves suggérant que la schizophrénie et d'autres affections neuropsychiatriques pourraient être en partie des troubles neuro-inflammatoires. Ici, l’étude établit un lien important entre la neuroinflammation due au dysfonctionnement de la barrière et la déplétion 22qDS. « Alors que 25% des patients atteints de 22qDS développent une schizophrénie, il est possible que ces mécanismes qui se produisent avec la déplétion de 22qDS soient également en jeu dans la schizophrénie idiopathique. De plus, jusqu'à 80% de ces patients présentent une forme de trouble mental et ces résultats pourraient donc également s'étendre à d'autres troubles, dont peut-être la dépression ou l'autisme ».
La barrière hémato-encéphalique et les astrocytes, des cellules qui améliorent normalement la fonction de la barrière jouent donc un rôle clé dans la protection « immunitaire » du cerveau. Manipuler la réponse immunitaire pourrait inspirer des thérapies qui traitent la neuro-inflammation, concluent les chercheurs.
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