PLASTICITÉ CÉRÉBRALE : Comment les neurones compensent la mort de leurs voisins
Nos cerveaux comportent des réseaux complexes de milliards de neurones, qui transmettent en continu des informations à travers les synapses, une communication sous-jacente à chacune de nos pensées et de nos mouvements. Mais que se passe-t-il dans un réseau neuronal, lorsqu'un neurone meurt ? D'autres neurones peuvent-ils prendre le relais pour le remplacer dans sa fonction ? Cette recherche expérimentale de l'Université de Chicago montre que certains neurones sont habilités à « dépanner », mais pas tous. Ces travaux, publiés dans le Journal of Neuroscience, représentent une étape importante dans la compréhension de la plasticité cérébrale et donc dans le traitement des maladies neurodégénératives.
Certains neurones et certains seulement ont cette capacité de remplacer un neurone qui meurt, constate l’équipe américaine qui a étudié plusieurs paires de neurones qui innervent des muscles distincts chez la mouche des fruits, un modèle fréquent pour l’étude des concepts fondamentaux des neurosciences qui peuvent intervenir aussi dans nos cerveaux humains. « Maintenant que nous savons que certains neurones peuvent compenser la mort d'autres neurones, nous pouvons nous demander si ce processus peut également se produire dans les maladies neurologiques », s’interroge l’auteur principal, le Dr Robert Carrillo, professeur de génétique moléculaire et de biologie cellulaire.
Comprendre la plasticité neuronale
L’objectif était de mieux comprendre comment le cerveau s'adapte aux changements structurels et fonctionnels, en particulier lorsque ces changements concernent les neurones. Les chercheurs ont donc travaillé sur le système neuromusculaire de la mouche des fruits, dans lequel chaque muscle est innervé par deux motoneurones (Voir visuel).
Sur la plasticité synaptique : on sait déjà que les neurones peuvent adapter leur activité en cas de perturbations dans leurs synapses, un processus connu sous le nom de plasticité synaptique, les chercheurs se sont demandé ce qui se passe en cas de « perturbation » sur un neurone ou si un neurone était retiré du système.
Et la plasticité neuronale ? Les autres neurones sont-ils alors capables de compenser ? Il n'est pas facile de répondre à cette question car est quasiment impossible de supprimer un neurone en particulier sans détruire simultanément d'autres neurones à proximité. Il est également très difficile de mesurer l'activité de base d'un seul neurone. Pour surmonter ce défi, les chercheurs ont surexprimé chez la mouche des gènes favorisant la mort cellulaire dans un sous-ensemble très spécifique de motoneurones. Ils ont ensuite utilisé l'imagerie et des enregistrements électrophysiologiques pour isoler l'activité du neurone restant tout seul dans la paire. C’est alors que les scientifiques ont pu constater que
- le neurone restant élargit son réseau synaptique et compense à la fois la neurotransmission spontanée et provoquée de son voisin manquant.
- Ce constat cependant ne vaut que sur ce muscle de la colonne car la même procédure testée sur 2 autres muscles montre en revanche, que le neurone restant ne compense pas la perte de son voisin.
Seuls certains neurones ont cette capacité de détecter et de compenser la fonction de leur voisin. Pourquoi ? Chaque neurone a des propriétés fonctionnelles différentes, précisent les chercheurs. Le neurone qui a compensé la perte de son voisin est ici celui qui contribue également le plus à l'activité globale du muscle dans les conditions normales. Dans certains cas aussi, 2 neurones travaillent ensemble et l’un peut remplacer l’autre en cas de problème.
Ces résultats laissent espérer que dans certains cas, les neurones dont les voisins sont affectés par une maladie neurogénérative comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), par exemple, qui provoque la mort progressive des neurones et la perte de la fonction musculaire, pourraient présenter cette plasticité ou capacité à remplacer leurs voisins malades. Il « reste » dans ce cas à mieux comprendre le mécanisme qui permet la compensation, afin d’être capable de l’induire si besoin.
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