MORALITÉ et PARDON : Pourquoi l'intention compte autant que l'action
Quand on en vient au jugement moral, un apport essentiel est l'information sur l'intention associée. Si de nombreuses recherches en psychologie et en neurosciences cognitives ont exploré la base psychologique et neurofonctionnelle de la prise en compte de l'intention dans le jugement moral, cette étude va explorer les corrélats neuroanatomiques de ce processus. Ces chercheurs de l’Institut de recherche SISSA (Trieste, Italie) montrent en particulier que lorsque l'intention et l'information sur les résultats d’une action entrent en conflit, le jugement humain se base essentiellement sur l’intention. A la base de ce processus spécifiquement humain, il existe une implémentation neurale elle aussi spécifique matérialisée par un réseau de connexions reliant des zones bien précises du cerveau. C’est à lire dans les Scientific Reports.
La recherche met ainsi en lumière le rôle joué par un réseau spécifique du cerveau, dans nos jugements moraux. Et plus ce réseau est développé, plus nous prenons en compte l'intention ou le caractère involontaire d'une action ayant pu entraîner un préjudice. Mieux alors nous sommes capables de pardonner.
La théorie de l'esprit : les chercheurs rappellent que nous construisons des représentations des états mentaux des autres par la « Theory of Mind » (ToM) ou mentalisation (mentalizing), un processus qui permet de reconnaitre un type d'état mental, notamment chez l'autre et donc de « cerner » ses intentions. Le processus consiste à entrecouper des données connues sur les autres personnes (croyances, désirs, connaissances, intentions) avec des données d'observations afin d'expliquer et de prédire leur comportement. Les auteurs rappellent les études comportementales qui ont déjà suggéré que lorsque l'intention et le résultat d'une action sont contradictoires, comme dans le cas d'un accident grave mais involontaire, les humains auront tendance à se concentrer principalement sur les intentions lors de la formulation d'un jugement. Cependant, jusqu'à cette étude, la question n'avait jamais été abordée d'un point de vue anatomique. Cette recherche, la première à explorer précisément cet aspect montre que cette capacité, très humaine, est permise par un réseau neuronal spécifique réunissant des zones très spécifiques elles-aussi du cerveau (la jonction temporo-pariétale, le cortex préfrontal ventromédial, le cortex préfrontal dorsomedial, le lobe temporal, le sillon temporal supérieur, le précuneus, et le cortex cingulaire postérieur). Cette recherche met ainsi pour la première fois en lumière et décrit le rôle joué par ce domaine spécifique du cerveau dans nos jugements moraux.
Une zone cérébrale qui permet de mieux « juger » et de pardonner : nous avons tous été dans des situations où nous avons dû exprimer des jugements sur des événements spécifiques en fonction de leur gravité mais aussi sur les intentions de ceux qui les ont causés. Les chercheurs précisent le rôle d'une zone du cerveau, appelé sillon temporal supérieur et montrent que plus la quantité de matière grise est importante dans ce cortex, plus nous sommes enclins à pardonner un événement néfaste commis sans intention de nuire ou par accident. Pour sa démonstration, l'équipe de recherche de l'Université de Trieste, de Vienne et de Boston soumet 50 participants à un questionnaire présentant 36 scenarii illustrant 4 situations possibles, l'action intentionnelle qui peut entraîner des effets négatifs, ou neutres, et l'événement accidentel qui peut entraîner des effets négatifs, ou neutres. Pour chaque scénario, les participants doivent exprimer un jugement sur une échelle de 1 à 7 et évaluer 2 items : leur degré de prise en compte de la responsabilité de l'individu et à quel niveau son comportement est moralement acceptable. En même temps, les participants passent une IRM pour observation du fonctionnement et de la structure de leur cerveau. Les images sont ensuite analysées. L'analyse montre que :
-le volume de matière grise présente dans une zone spécifique du cerveau connue sous le nom de sillon temporal antérieur gauche semble influencer les jugements des individus. Plus cette zone est développée, plus l'indulgence est flagrante. Déjà impliquée dans la capacité de mentalisation, la zone contribue à mieux intégrer l'absence d'intention et le caractère involontaire du préjudice. Ces participants mieux dotés en indulgence vont avoir tendance à se concentrer sur les faits (les résultats de l'action) et moins sur la condamnation.
Des travaux qui localisent ainsi une nouvelle propriété structurelle du cerveau, une manifestation physique de notre héritage génomique et de l'environnement dans lequel nous avons évolué, commentent les chercheurs.
06 April 2017 doi:10.1038/srep45967 Neuroanatomical correlates of forgiving unintentional harms (Visuel@Indrajeet Patil)
Lire aussi: PSYCHO: Savoir se pardonner à soi-même est le début de la réparation -
Autres actualités sur le même thème
ÉPILEPSIE et TOC : L’implant qui les anéantit à vie
Actualité publiée il y a 1 année 4 semainesODORAT : Pourquoi certains ont du nez et d'autres pas
Actualité publiée il y a 7 années 7 moisPARKINSON: Un espoir de protection contre l'effet pesticides
Actualité publiée il y a 8 années 5 moisDe nombreuses études ont documenté et confirmé les effets néfastes de certains pesticicides sur le cerveau. L'exposition à un groupe de pesticides connus, les...PUPILLOMÉTRIE : Les yeux sont-ils la fenêtre de nos erreurs ?
Actualité publiée il y a 5 années 5 mois