Découvrez nos réseaux sociaux
Actualités

PHARMACO: Sirtuines, leptine ou H2S, mais que sont devenues ces promesses moléculaires?

Actualité publiée il y a 8 années 3 mois 2 semaines
Science

Mais que s’est-il passé avec toutes ces molécules naturelles qui promettaient de transformer notre santé ? Resvératrol ou sirtuine, ghréline ou leptine, hydrogène sulfuré toutes ces molécules ont fait l’objet de nombreuses recherches, avec à la clé des bénéfices prometteurs. Cependant, en dépit de ces perspectives, les circuits moléculaires qui contrôlent notre physiologie sont toujours plus complexes qu'il n'y paraît et pouvoir reproduire une molécule en particulier pour en faire un médicament est un objectif ambitieux. Cet expert nous propose, dans la revue Science, un état de la recherche translationnelle pas toujours à la hauteur des espérances.

L'hydrogène sulfuré ou sulfure d'hydrogène (H2S), le fameux gaz à l'odeur d'œufs pourris promettait de conjurer le vieillissement, sur tous les plans, inflammation, musculaire, vasculaire et neurologique. En particulier, H2S semblait pouvoir apaiser l'inflammation et contribuer à réduire la pression artérielle (Science 2008). Plus récemment de protéger contre les troubles cardiaques en cas de diabète. Cependant, Ikaria, une biotech fondée en 2005 pour développer des traitements médicaux à base de sulfure d'hydrogène a « abandonné le gaz » en 2011 : les tests chez l'animal ne se sont pas montrés concluants et H2S est apparu comme une molécule à « index thérapeutique étroit », c'est-à-dire difficile à doser entre efficacité et toxicité.


Quelques médicaments avec libération de H2S sont néanmoins en cours de test :

- un médicament anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) (Antibe Therapeutics – Toronto) avec de premiers résultats positifs de phase II dans le traitement de l'arthrite du genou.

- Un médicament contre l'insuffisance cardiaque pour les patients à faibles niveaux de H2S dans le sang, avec bientôt un essai de phase II (SulfaGENIX).

La leptine, dite hormone de la satiété est depuis des décennies maintenant au centre des recherches de nouveaux traitements contre l'obésité. Induite par les cellules graisseuses, la leptine informe le cerveau que nous avons assez mangé quand nous avons stocké suffisamment d'énergie. Dès les années 90, le gène défectueux de la leptine était associé à l'obésité e, chez l'animal, des injections de l'hormone entraînaient une perte de poids spectaculaire. Les espoirs pour l'Homme étaient donc considérables. Mais c'était sans compter sur l'insensibilité à la leptine d'un grand nombre de patients obèses. Reste son intérêt pour les patients qui portent ces mutations qui les empêchent de produire la leptine et pour le traitement de certains types de lipodystrophie. Si certains chercheurs restent convaincus que la leptine pourrait apporter des bénéfices à d'autres patients, en freinant l'appétit et en contribuant ainsi au maintien du poids, la pilule magique à ce jour n'existe pas.

La ghréline, dite hormone de la faim va donner lieu à « son » premier médicament approuvé par l'agence américaine, FDA, après des dizaines d'années de recherche sans résultat. Le médicament, nommé Entyce, cible …les chiens qui ne mangent pas assez ! C'est bien décevant, remarquent les chercheurs, pour une hormone présentée comme une percée potentielle dans la guerre contre l'obésité. L'idée était, au départ, qu'inhiber la ghréline pourrait permettre de lutter contre l'obésité. Mais, même chez l'animal, l'absence de ghréline ou la privation de récepteurs de la ghréline a eu peu d'effet sur leur apport alimentaire. Les mécanismes qui régulent le métabolisme et le poids sont si complexes que les chercheurs, aujourd'hui, doutent de l'effet possible d'un seul peptide.

- Cependant, on sait aujourd'hui que la ghréline protège contre les chutes de glycémie et que l'hormone pourrait trouver, là, un créneau médical. Idem dans le traitement de la cachexie, une maladie qui touche souvent les patients atteints de cancer, de la MPOC et d'autres maladies…

L'oxyde nitrique (NO), connu pour ses bénéfices pour la santé cardio-vasculaire, le niveau d'énergie et la performance physique a d'abord été médiatisé via le jus de betterave, qui contient du nitrate converti en NO dans le corps. La découverte dans les années 1980 que la molécule détend les vaisseaux sanguins et déclenche d'autres réponses bénéfiques a conduit au développement du Viagra. La nitroglycérine, un vasodilatateur producteur de NO est un médicament connu pour soulager la douleur de poitrine. Cependant, lorsque les scientifiques ont cherché à développer des médicaments à base de NO contre l'hypertension artérielle, les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et d'autres conditions, ils se sont heurtés à un défi : la demi-vie d'une molécule de NO est de quelques secondes seulement. De plus les effets de NO sur les vaisseaux sanguins sont très fugaces. Aujourd'hui NO est essentiellement réservé à l'augmentation de la quantité d'oxygène dans le sang, aux procédures de greffes, et au syndrome de détresse respiratoire en salle d'opération et en unité de soins intensifs.

Quelques pistes sont néanmoins toujours poursuivies :

- Passer par une molécule messager, responsable de la plupart de ses effets (e.g. riociguat approuvé par la FDA pour le traitement de certains types d'hypertension pulmonaire).

- L'extrait de betterave fait l'objet de nutraceutiques contribuant à réduire la pression artérielle.

- De nouvelles données suggèrent que la fameuse nitroglycérine qui libère NO, peut également être bénéfique chez des patients dans les 6 heures qui suivent un accident vasculaire cérébral. Un essai clinique est en cours.

La myostatine : on espère toujours beaucoup d'un anticorps de la myostatine dans le traitement de la baisse de la masse et de la puissance musculaires associée à l'âge. Plusieurs études ont montré en effet, qu'en inactivant le gène de la myostatine ou en réduisant les niveaux de protéine chez la souris, il était possible de « relancer » la croissance musculaire en contrôlant le nombre et la taille des fibres musculaires. Une douzaine d'essais cliniques ont porté ces dernières décennies sur des molécules inhibitrices de myostatine, cependant aucun des essais n'a démontré des avantages cliniques clairs, précise l'auteur. Néanmoins, les recherches se poursuivent, en particulier, dans le traitement de la sarcopénie.

Les sirtuines, ces protéines documentées comme capables de prolonger la vie restent, elles-aussi, en suspens. Aucun médicament destiné à stimuler leur activité n'a encore été approuvé. Reste le resvératrol du vin rouge et les nutraceutiques qui suscitent quelques-uns des effets des sirtuines, au moins chez la souris. Mais là encore, malgré les investissements d grands laboratoires et des dizaines d'essais cliniques portant sur de maladie d'Alzheimer au vieillissement de la peau, le resvératrol n'a pas produit les mêmes résultats chez l'Homme. Il n'empêche que le laboratoire GSK prévoit des essais cliniques de phase II, dans les 18 mois, sur 2 molécules à base de sirtuines. Il reste les nutraceutiques à base de resvératrol.

Bref, les cycles d'enthousiasme et de déception se succèdent avec, aussi, des déceptions qui mènent à une meilleure compréhension des molécules, et finalement l'espoir de nouveaux traitements. Il faut être patient, concluent les scientifiques : un délai de 10 à 20 ans reste généralement nécessaire pour passer de la recherche fondamentale à l'application clinique ou pharmacologique.


Autres actualités sur le même thème