TROUBLES POLY-Q : Les chloroplastes détiennent-ils la clé ?
Les mécanismes moléculaires des plantes sont-ils la clé de la découverte de nouveaux médicaments capables de prévenir les maladies humaines ? Cette équipe de biologistes et de pharmacologues de l’Université de Cologne va dans ce sens et conclut que les chloroplastes végétaux (ou organites de la cellule végétale contenant la chlorophylle) promettent un traitement contre la maladie de Huntington. Ces travaux, publiés dans la revue Nature Aging, mettent en lumière les pouvoirs d’Arabidopsis thaliana (ou Arabette des dames) pour ses défenses inattendues contre l’accumulation de protéines nocives.
La maladie de Huntington, maladie génétique héréditaire et mortelle, causée par l’excès d'un certain type de séquences d'ARN répétées dans un gène - la huntingtine- présent dans chaque cellule, a longtemps été considérée comme une maladie neuronale en raison de la perte définitive des motoneurones, dont la mort dans le temps est responsable des signes cliniques de la maladie : mouvements involontaires, troubles de la coordination, déclin cognitif, dépression et psychose. Cependant, un nombre croissant de recherches suggère que la maladie peut également découler de défauts de la glie, des cellules de soutien du cerveau.
La maladie de Huntington fait partie des maladies dites par expansion de polyglutamine (polyQ),
un groupe de troubles neurodégénératifs provoqués par de multiples répétitions d’acides aminés glutamines dans des protéines spécifiques. Un nombre excessif de répétitions polyQ peut déclencher et favoriser l’agrégation ou l’accumulation de protéines sous forme de dépôts protéiques nocifs et dommageables, entraînant le dysfonctionnement cellulaire et la mort. À ce jour, 9 troubles polyQ ont été décrits chez l'homme, tous incurables. Parmi les polyQ, la maladie de Huntington.
L’équipe allemande ouvre ainsi une toute nouvelle voie via une approche de biologie végétale synthétique pour le traitement des maladies neurodégénératives humaines, et en particulier la maladie de Huntington. Car leur découverte est une enzyme dérivée de plantes - la peptidase de traitement stromal (SPP), capable de prévenir l'agrégation des protéines toxiques dans le cerveau.
L’étude est ici réalisée in vitro et sur le ver nématode Caenorhabditis elegans. Elle part du constat que les plantes sont immunisées contre l’agrégation nocive des protéines, pour trouver des médicaments contre les maladies polyQ comme la maladie de Huntington.
Les plantes sont constamment mises à l’épreuve par l’environnement,
mais elles ne peuvent pas bouger pour échapper à ces conditions. Cependant, elles possèdent une remarquable résilience au stress qui leur permet de vivre longtemps. Contrairement aux humains qui souffrent de protéinopathies causées par l’agrégation toxique, les plantes ne souffrent pas de ce type de maladies. Elles expriment pourtant des centaines de protéines contenant des répétitions polyQ, mais, à ce jour, aucune pathologie due à ces facteurs n'a été rapportée.
Pour explorer comment les plantes gèrent l'agrégation des protéines toxiques, les scientifiques ont introduit la protéine mutante toxique huntingtine dans les plantes, la protéine même qui provoque la mort cellulaire des neurones humains. L’équipe constate que, contrairement aux modèles animaux et aux humains,
- les plantes d’Arabidopsis thaliana savent éliminer activement les amas de protéines huntingtine et évitent les effets nocifs : « Nous avons été surpris de voir que les plantes restaient en parfaite santé, même si elles produisaient génétiquement la protéine humaine toxique ».
- en revanche, l’expression de la huntingtine mutante dans d’autres modèles de recherche comme les cellules humaines cultivées, les souris et les vers nématodes induit des effets néfastes et les symptômes de la maladie.
Grâce à la biologie synthétique, les scientifiques ont ensuite transféré la capacité des plantes à éviter ce processus d’agrégation nocif, dans des cellules humaines cultivées puis chez des animaux modèles de la maladie de Huntington.
- Les protéines végétales atténuent les symptômes des cellules humaines et des nématodes
Les promesses des chloroplastes : les scientifiques ont découvert que les chloroplastes, les organites spécifiques aux plantes qui effectuent la photosynthèse, étaient « la machinerie grâce à laquelle les plantes ne présentent pas de dépôts de protéines toxiques. Cette machinerie moléculaire leur permet de se débarrasser des agrégats de protéines toxiques. »
- La protéine végétale du chloroplaste « SPP » apparaît jouer un rôle clé : la production de la plante SPP dans des modèles de la maladie de Huntington, tels que des cellules humaines cultivées et des vers C. elegans, permet bien de réduire les amas de protéines et les symptômes de la maladie.
- l'expression de la protéine végétale SPP améliore la motilité des vers C. elegans affectés par la huntingtine.
Ces résultats incitent à tester la protéine SPP comme traitement possible contre la maladie de Huntington. Plus largement, ils soulignent le potentiel encore vierge de recherche, des plantes pour le traitement des maladies humaines.
« Beaucoup de gens ne remarquent pas que les plantes peuvent persister dans des conditions environnementales variables et extrêmes qui provoquent l’agrégation des protéines. Les mécanismes moléculaires des plantes détiennent la clé de la découverte de nouveaux médicaments capables de prévenir les maladies humaines. Nous oublions que certaines plantes peuvent vivre des milliers d’années et devraient être étudiées comme modèles de recherche sur le vieillissement ».
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